Par son acte de résistance pacifique et digne, cette femme parvint à faire infléchir le pouvoir; elle demeure aujourd’hui un modèle d’humanité face à la violence des hommes.
Intervention prononcée lors de la journée du Christianisme social Égalité femmes hommes: réalité ou utopie ? du 22 octobre 2022.
La figure de Ritspa n’est pas très connue. Elle n’apparaît que deux fois dans les Écritures. En 2 Samuel 3, nous apprenons qu’elle était concubine du roi Saül. Après la mort de Saül, Ish-Boshet, un fils de Saül, mais pas de Ritspa, devenu roi d’Israël, accuse le chef de l’armée de Saül, Abner, d’avoir pris pour lui la concubine de son père, ce qui provoque une dispute avec Abner et la rupture entre les deux hommes. Abner rejoint le camp de David mais est tué peu après par le chef de l’armée de David. L’Histoire est faite par ces hommes puissants, leurs forces et leurs fois, leurs serments et leurs ruses, leurs ambitions et leurs faiblesses, et leur usage des femmes.
Ritspa réapparaît donc au chapitre 21, mais cette fois, elle n’est pas seulement objet, un prétexte entre la rivalité de deux hommes.
Ritspa n’a aucun pouvoir, aucune possibilité de s’immiscer dans la cour du roi David, d’influencer ses décisions, de participer à la rencontre avec les Gabaonites. Elle commence encore, dans ce récit, par subir ce que les hommes ont décidé.
C’est au livre de Josué qu’il faut lire le récit du serment par lequel les Hébreux, conquérants des terres après la traversée du Jourdain, s’engagent à ne pas exterminer les habitants de la ville de Gabaon et des alentours. Les Gabaonites ont rusé pour obtenir ce serment et lorsque Josué s’en aperçoit, ne pouvant revenir sur la promesse, il astreint cependant les Gabaonites à des tâches de services: les Gabaonites seront coupeurs de bois et porteurs d’eau.
Il n’y a pas de trace, dans le premier livre de Samuel qui met en scène la royauté de Saül, du massacre des Gabaonites auquel il s’est livré, rompant le serment passé. Mais c’est en raison de cette trahison que la famine pèse en Israël, depuis 3 années.
C’est tout de même étrange: le narrateur présente la famine comme conséquence de la trahison de Saül, mais c’est lors du règne de David, et même plutôt vers la fin du règne de David que la famine survient. Le narrateur la présente comme une décision, une punition divine puisque c’est l’Éternel qui en indique la raison à David et qui y mettra fin. Pourquoi donc avoir tant attendu? Pourquoi faire porter au peuple de David le châtiment de la faute de Saül?
C’est pourtant bien ainsi que va le cours du monde, n’est-ce pas? Les paroles non tenues, les alliances brisées, les serments rompus mettent en péril les peuples et les générations suivantes. En dépit de ce que laisse croire le narrateur, l’Éternel n’est pas responsable de ces désordres profonds qui labourent l’Histoire et effilochent l’avenir espéré. L’humain y suffit largement.
Et d’ailleurs le roi David ne s’en étonne pas, il ne discute pas, même pas avec les Gabaonites; il les laisse décider de la réparation, une réparation en forme de vengeance: sang pour sang, les descendants de Saül paieront pour la faute de leur père.
N’est-ce pas ainsi que va souvent le monde? Un prix de vies humaines est toujours exigé pour la satisfaction d’un intérêt personnel ou collectif, même s’il ne s’agit […]