La Bible affirme-t-elle que Satan est un ancien ange (originellement bon), qui se serait rebellé contre Dieu ? Plusieurs textes sont cités pour appuyer cette thèse classique du christianisme, et même pour affirmer que Satan était d’une grande beauté (Éz 28.12, 17). Mais les appuis en question sont-ils si solides qu’ils n’y paraissent ?
Ésaïe 14.4-20 et Ézéchiel 28.12-19
Ces deux textes, qui se ressemblent assez dans la mesure où ils sont tous deux des oracles contre des rois païens, sont les plus souvent cités pour justifier la doctrine de la chute de Satan et de son passé angélique. Cependant, il n’est vraiment pas évident que le prince des démons soit en vue ici.
Tout d’abord, notons que les deux prophètes sont très clairs sur l’identité des destinataires de leurs oracles. Chez Ésaïe, c’est le roi de Babylone qui est visé (És 14.4 ; difficile cependant de savoir lequel), et chez Ézéchiel, c’est le roi de Tyr (Éz 28.12). Mais n’y aurait-t-il pas, à l’occasion de certains versets, un dépassement du seul contexte historique et des allusions à Satan ?
En Ésaïe 14.12, l’annonce que le destinataire de l’oracle est tombé du ciel semble aller dans ce sens. Il est d’ailleurs tentant de rapprocher ce verset de la parole de Jésus au retour de mission de ses disciples : « Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. » (Lc 10.18) C’est tentant, mais ça ne fonctionne pas.
En Luc, le contexte est clairement celui de la défaite – et non de la chute « originelle » – de Satan, manifestée par les exorcismes opérés par les disciples (voir aussi Ap 12). En Ésaïe, la chute depuis le ciel est une hyperbole typique de la littérature hébraïque, qui fait écho, de manière ironique, à l’origine de la ville de Babylone (Gn 11.1-9). Celle-ci […]