En tant que « bonne épouse », Abigaïl n’aurait-elle pas dû se soumettre à son mari ? Le récit de 1 Samuel 25, mettant en scène deux hommes et une femme, montre comment une femme insoumise, inspirante et intelligente, agit selon le cœur de Dieu.
Un homme dur et méchant
Le premier personnage qui entre en scène est « un important propriétaire » (v. 2) de la région de Karmel, petite ville près de Maon, dans le territoire de Juda. Le décor planté est plutôt positif : c’est la période de la tonte des troupeaux, qui a lieu au printemps. C’est un moment de travail, mais aussi un moment festif, l’occasion de se réjouir de la providence de Dieu, de sa protection tout au long de la saison qui vient de s’achever. Pourtant, la fête n’est pas vraiment au rendez-vous.
Le narrateur précise que cet important propriétaire s’appelle « Nabal et sa femme Abigaïl » (v. 3). Dès le départ, le texte biblique est très clair. Abigaïl « était intelligente et belle, tandis que son mari était dur et méchant. » (v. 3). Quel contraste frappant ! Un couple mal assorti, pourrait-on dire. Constat qui est accentué par la structure du verset en chiasme (homme / sa femme / femme / homme), plaçant Abigaël au centre. Avant que nous ne voyions Nabal interagir avec d’autres personnages du récit, nous sommes avertis de sa dureté et de sa méchanceté. Pourtant, il « était du clan de Caleb » (v. 3), indiquant peut-être qu’il appartenait « au clan le plus important de la région ». L’auteur mentionne-t-il cette appartenance pour montrer combien le comportement de Nabal est éloigné de son ancêtre Caleb, un des deux espions parmi les douze envoyés dans le pays promis, qui ne sont pas revenus en murmurant ? Ou le fait-il plutôt par jeu de mots portant sur les consonnes du prénom Caleb, identique à celles de « chien » ?
Dix hommes de David viennent vers ce membre du clan de Caleb, avec un message qui contient une bénédiction et une demande. Le futur roi envoie dix hommes et non pas un ou deux : « Il demandait [donc] une quantité importante de nourriture à Nabal. » Néanmoins, la réaction du riche propriétaire est à la hauteur de son caractère : dure et méchante. Il étale son avarice. Il fait semblant de ne pas connaître David. Il tient ses possessions les poings fermés, alors que ce sont David et ses compagnons qui ont considérablement contribué à sa réussite. Un de serviteurs de Nabal va jusqu’à dire qu’« ils ont été comme une muraille protectrice autour » d’eux (v. 16).
Un deuxième homme colérique
Un deuxième homme monte sur scène. Dans ce récit, David lui-même ne semble pas agir selon la sagesse, sauf au début, où il négocie « poliment et humblement avec cet homme puissant » qu’est Nabal. C’est à partir de la réponse négative de Nabal que cela se gâte visiblement. Cette dernière le met tellement en colère qu’il mobilise 400 de ses hommes afin de prendre au moyen de la force ce que le riche propriétaire ne veut pas lui donner en juste récompense. Nabal lui a rendu « le mal pour le bien » (v. 21). David réagit en projetant de rendre le mal pour le mal, « de se faire justice [lui]-même » (v. 26), comme Abigaïl le discerne très bien.
Pas une once de pondération dans les propos de David. Il est complètement aveuglé par sa colère et l’apitoiement sur lui-même : il ne lui suffit pas de projeter de tuer Nabal, mais les autres hommes de la famille sont également visés ! La colère qui surgit tout d’un coup dans ce récit est-elle une colère refoulée que David ne s’autorise pas à avoir contre Saül ? Colère qui trouve ici une échappatoire en étant déviée vers une autre personne qui n’est pas le premier roi d’Israël choisi par Dieu ? Colère qui couvre peut-être la […]