Plus de deux millénaires plus tard, le texte d’Ecclésiaste 3 rejoint encore nos préoccupations.

On m’appelle le temps. J’ai d’autres noms, mais celui-ci est le plus pratique. J’ai des petits noms comme instant ou moment. Je suis imperturbable mais, vous, vous me ressentez de bien des manières.

J’accompagne chacun d’entre vous et je suis l’espace dans lequel vous articulez votre être au monde. Il vous arrive de courir en moi, de vouloir me dépasser, me supprimer ou de me suspendre par les pieds. Vous me chérissez quand je m’étire en été, me haïssez quand je m’attarde dans une file d’attente. Vous vous battez contre moi quand vous êtes submergés de travail et je ne vais jamais assez vite quand vous vous préparez à une rencontre.

Vous me chargez de fardeaux innombrables et simultanés. Mais je suis fragile : je ne sais pas porter autant de charges à la fois.

Ce que j’aime, c’est être nourri de prévenance. Me charger des regrets d’hier et de l’inquiétude de demain me fait vaciller. Me remplir d’activités, comme on gave une oie, rend mon foie malade et ma foi est mise à l’épreuve.

Ma supplique depuis que vous êtes nés, c’est que vous entriez en amitié avec moi, que nous nous apprivoisions.

Alors je vous invite, là maintenant, à vous asseoir. Sans penser au moment où vous vous lèverez, ni à autre chose qu’à vous asseoir en moi. Dans cet instant présent. Je vous invite à être vous-mêmes entièrement dans ce moment, parfaitement unifiés, corps, âme, esprit.

Je me donne à vous, savourez-moi comme une gourmandise.

Et plus tard, quand vous vous lèverez, faites une seule chose à la fois, sans penser à autre chose. Soyez entièrement dans le moment présent, donné, offert. Soyez entièrement en moi dans ce que vous recevrez d’espace.

Si vous plantez, ne faites que cela. Si vous cherchez, ne faites rien d’autre. Si vous aimez, faites-le entièrement.

Si vous pleurez, donnez-vous aux larmes et rien qu’à elles. Si vous déchirez, faites-le de toutes vos forces.

C’est en agissant ainsi que vous découvrirez mon nom le plus précieux. Un nom divin, que Dieu utilise lorsqu’il vient agir sur cette terre. Lorsque vous savez être entiers en moi, dans ce que vous faites, sans vous projeter dans le passé, l’avenir ou ailleurs, je m’appelle Kairos. Ou vie éternelle. C’est un cadeau de Dieu à ses enfants qu’il suffit de saisir, là, dès maintenant.

Laurence Hahn, pasteure à Wangen et Marlenheim