Les esprits chagrins diront même que la population parfois profite de la solidarité nationale et que ce dévoiement alimente le populisme. Je le crains. La région sud-ouest va utiliser le terme cette année pour parler de la solidarité pastorale, ce qui signifie concrètement la recherche d’un pasteur pendant une semaine par mois pour plusieurs Églises locales.

Proximité et…

Faudrait-il utiliser un autre terme que celui de solidarité ? Après tout, le terme n’est pas présent comme tel dans la Bible… Alors, passons notre chemin. Patatras, à y regarder de plus près, ce n’est pas possible. Plusieurs théologiens, notamment au début du siècle dernier, insisteront pour dire que nous devons recevoir et retenir un message biblique : la solidarité de Dieu avec l’humanité. C’est « la grande doctrine du christianisme, la doctrine de toutes les doctrines de l’Évangile » (entendez la doctrine qui résume toutes les autres et en dit le sens), dira Gaston Frommel. Cette proximité de Dieu se manifeste d’ailleurs dans le nom même qu’à plusieurs reprises lui donne le prophète Ésaïe : « Emmanuel », ce qui veut dire Dieu-avec-nous, et non pas Dieu séparé, lointain, et indifférent.

…et altérité de Dieu

En contrepoint, dans les années 1930, en Europe et tout particulièrement en Allemagne, la théologie protestante a fortement mis l’accent sur la souveraineté et l’altérité de Dieu. Il est le « tout-autre », a-t-elle proclamé contre ceux qui rapprochaient et assimilaient trop le divin et l’humain. Elle entendait combattre ainsi l’idéologie nationaliste, et plus précisément un christianisme influencé par le nazisme. Résumons-nous : un courant théologique insiste sur la solidarité de Dieu avec les humains et sur son engagement dans le monde, tandis qu’un second souligne sa souveraineté qui le met au-dessus, et son altérité qui le rend différent de ses créatures. À mon sens, ces deux courants expriment les deux faces de la même médaille : Dieu est en même temps pour nous un proche et un étranger.

Interdépendance de l’humanité

Ce n’est pas en tout cas un non-sens de mettre la notion de solidarité au cœur d’une réflexion chrétienne. J’aime deux idées que renferme le concept. Tout d’abord, la solidarité renvoie à une situation non pas d’égalité mais d’interdépendance et de mutualité. Chacun a quelque chose à apporter à l’autre et à recevoir de lui. Même si certains apportent plus, on entre dans une relation d’échanges et de complémentarité où tous sont à la fois donateurs et bénéficiaires, débiteurs et créanciers. Le courant protestant appelé «Christianisme social» avec, par exemple, l’idée des coopératives de Charles Gide, l’a bien souligné. Ensuite, c’est une belle et juste image de ce vers quoi l’humanité doit tendre. La solidarité permet de comparer l’humanité à un équipage embarqué sur le même bateau, et qui doit coopérer, pour le bien de tous. Nous l’exprimons parfois lors d’un décès, mais la solidarité économique ou encore écologique n’arrive pas toujours à se frayer un chemin.

…et prise en compte de chaque particularité

En fait, la solidarité ne nous est pas naturelle, il nous appartient de la créer, à l’image de la relation entre Dieu et l’humanité. Il nous appartient de trouver des moyens nouveaux afin que soit mieux prise en compte chaque particularité. Elle recèle une exigence aussi : celle de trouver un équilibre entre « n’en pas faire assez » ou « en faire trop » ! Cela peut occuper chacune de nos vies tout au long de l’année scolaire qui s’ouvre…