Chrétienne, je rêve de vieillir avec grâce. Sans attendre que l’on fasse pour moi, je prends moi-même mon propre parti, reste à l’écoute du réel et en même temps y impulse ce que je veux, fais de ma vieillesse un voyage. La prière m’a donné un amour de soi qui me fait forte en ma fragilité. La Bible m’est devenue un second inconscient, efficace. Rites et liturgies m’ont fourni les clefs. Le chant des dogmes me permet d’interpréter ma vie. J’entends le « Là-bas ! » ouvert par Dieu à Abraham. Plus de 4 000 élèves en ma carrière m’ont magnifiquement formée. L’hôpital m’a libérée de bien des peurs, y compris celle du ridicule, m’initiant à merveille. Des mourants m’ont définitivement emmenée hors des convenances. Je dis plus que jamais ce que je pense : à mes supérieurs, ma joie de travailler avec eux ; aux hommes, leur beauté ; aux jeunes, qu’ils m’émeuvent ; au prochain, connu ou inconnu, qu’il compte pour moi.
J’exclus l’hypothèse et encore plus la probabilité du « naufrage ». Cela peut paraître bien prétentieux. Mais ça ne l’est pas. Mon propos relève d’une royale naïveté, très humble, autrement dit d’une confiance durement élaborée dans et par-delà les chagrins. Je crois en effet que, pour un chrétien, même un naufrage n’empêche pala vie aboutie. Mieux encore, le naufrage peut se faire le lieu d’une apothéose, à condition certes d’avoir gardé son cœur et son esprit de toute complicité avec la mort et la souffrance. La résurrection, avant même qu’elle ait eu lieu, c’est cela. Je vais jusqu’à dire que nous n’avons pas encore réussi dans la vie tant que nous n’avons pas su transformer l’échec en couchant solaire. Je veux cela. Je suis sûre que mon Défenseur s’emploiera, le moment venu, à m’y aider. Je ne partirai donc jamais à la retraite. J’entrerai en retraite, avec de fermes « ambitions Autonomie » !
Que les plus jeunes n’aient pas à s’occuper de moi ! Maison de retraite, bagage allégé, pension d’invalidité, curatelle exercée par l’État le jour où…, testament… sont en place. Accroissement de la liberté affective et de l’intelligence spirituelle, pour monter toujours ! Ce sera descendre. L’ascension de la montagne va toujours plus profond. Tu veux plus que jamais aimer ? Sois, tout de suite et pour tous, parfum, pain et vin. L’âge est plus que jamais le privilège du « pas obligée » : je ne suis pas obligée d’être méchante avec les autres, d’être méchante avec moi-même, d’accepter qu’on soit méchante avec moi. Je ne suis donc pas obligée de me gâcher cet instant, cette journée, ma vie. Je fais de la vieillesse ma vieillesse !