L’actualité est désespérante, le futur incertain et rien ne va comme on veut… Notre tempérament ajoute à cet environnement perturbant : certains anticipent – plutôt négativement – et sur un mode anxieux, quand d’autres s’avèrent exagérément optimistes – au point d’en paraître suspects. Quelles pythies croire et comment vivre nos vies entre angoisse et espoir ? Pourquoi ne pas tenter l’optimalisme ?
Toutes les situations incertaines font naître en nous un fort besoin de contrôle. Imaginer le futur, prévoir, anticiper sont autant de facultés que l’homme cultive depuis des millénaires. Si elles ont pour espoir de le rassurer, elles le mettent surtout dans une forme de perfectionnisme, assortie d’une vigilance soutenue et de tous les instants. Or le perfectionniste est rarement joyeux ; la pression qu’il se met ne lui procure aucun bonheur durable et céder à l’optimisme lui semble donc une hérésie. Et toutes ses prévisions comme ses anticipations sont souvent des utopies de faible réassurance. Face à un optimiste, le perfectionniste désespère. L’optimiste, lui, passe pour un incompris, quand les faits ne lui donnent pas (encore) raison.
Pour Tal Ben-Shahar, l’optimalisme est une forme d’optimisme née de l’optimal. Ce psychologue américain d’origine israélienne (auquel le blog a déjà consacré un article) a longtemps enseigné aux étudiants de Harvard le bonheur, ayant lui-même vécu la dépression malgré de grands succès.
Il raconte comment, alors étudiant en Israël, il imaginait le bonheur intense qu’il vivrait le jour où il serait champion de squash – le sport de raquette qu’il pratiquait avec abnégation et assiduité depuis des années. Une fois le titre de champion enfin obtenu, il vécut une joie intense mais de courte durée : tous les effets du bonheur tant espéré s’évanouirent en quelques heures. Il se sentit totalement abattu, perdu, ne sachant désormais quel sens donner à sa voie, quel but supérieur atteindre, et entama ses études avec amertume. Il réalisa alors que ça n’était pas l’intensité de nos objectifs qui nous rendait durablement heureux mais la quête d’un équilibre réaliste qui vient de nous-même. Il établit une différence entre être parfait et être heureux. Il écrivit tout d’abord « L’apprentissage du bonheur », suivi tout naturellement de « L’apprentissage de l’imperfection », car les deux notions sont intimement liées.
Le perfectionnisme – et son pessimisme – peuvent être progressivement remplacés par l’optimalisme, une disposition d’esprit qui amène à :
- avoir conscience de la réalité en étant prêt à l’accepter
- faire de son mieux et en tirer de la fierté
- profiter du chemin autant que du résultat
- intégrer les conseils des autres en les utilisant au mieux de ce que l’on sent
- apprécier les demi-succès et les échecs relatifs
- savourer pleinement la réussite
- prendre les échecs comme des données, à transformer en apprentissages
- modifier son point de vue ou son comportement, sans se sentir personnellement remis en cause.
D’expérience en expérience, l’optimaliste progresse dans son approche et améliore ses performances autant que son bien-être. « Les perfectionnistes remplacent la réalité qu’ils refusent par un univers fantasmatique où ni l’échec, ni les émotions douloureuses n’existent et où les critères de la réussite, même s’ils sont irréalistes, demeurent à leur portée. Les optimalistes, eux, acceptent l’évidence : dans le monde réel, il est inévitable de souffrir et d’échouer, et la réussite doit être définie selon des critères raisonnables. » (Tal Ben-Shahar, Apprendre à être heureux).
Le psychiatre Christophe André, auteur de « Imparfaits, libres et heureux » ne dit pas autre chose, il préconise une véritable « hygiène du succès » comme une manière de s’habituer, de s’entraîner au succès comme à l’échec : « On peut se vacciner contre la déception, devenir à la fois, non pas indifférent mais calme et lucide face à l’échec, et de même face au succès. Se réjouir calmement de ses réussites. Réfléchir tranquillement à ses échecs. Et ne pas oublier que la vie est ailleurs : dans la rencontre, l’échange, l’action pour l’action, sans surveillance ni performance. »
Pour conquérir progressivement cet optimalisme, un entraînement est nécessaire. Ça ne vient pas en un jour ! Tentez aussi l’exercice ci-dessous.
Exercice : analysez vos échecs
Prise de conscience, connaissance de soi, questionnements vous aideront incontestablement à progresser vers un équilibre mieux vécu et une approche plus juste de la réussite.
Servez-vous de vos propres expériences : prenez une situation que vous avez connue et dont l’issue n’a pas été favorable. Remémorez-vous les différentes étapes :
1/ Quels sont les signes avant-coureurs qui pouvaient présager ce résultat ?
Votre intuition a-t-elle émis des messages que vous n’avez pas entendus sur le coup ou ignorés ?
Comment pourriez-vous mieux les percevoir ou les suivre la prochaine fois ? Quelles ont été vos réticences, peurs ou blocages ?
2/ Quelles sont les erreurs que vous avez commises et comment pourriez-vous les éviter à l’avenir ?
3/ Qu’est-ce que cet événement vous a appris sur vous ? Quels sont les traits de votre caractère qui ont faussé votre jugement ? Comment pourriez-vous les faire évoluer ? Qui peut vous y aider ?
Si vous faites l’effort réel d’analyser ainsi deux ou trois expériences, en notant scrupuleusement vos réflexions, vous dégagerez des points communs, recouperez des tendances qui vous aideront réellement à évoluer. Ne vous découragez pas mais avancez avec discernement et en conscience.
« L’effort continu, et non pas la force ou l’intelligence, est la clé pour ouvrir notre potentiel. » Winston Churchill
Pour aller plus loin :
– L’apprentissage du bonheur, Tal Ben Shahar, Pocket, 2009
– L’apprentissage de l’imperfection, Tal Ben Shahar, Pocket, 2011
– Imparfaits, libres et heureux, Christophe André, Odile Jacob poche, 2009