En France, on jette environ vingt à trente kilos de nourriture comestible par an et par personne, en particulier à cause d’une date de péremption dépassée. Comment s’y retrouver pour ne pas participer à ce gaspillage alimentaire ?
Les produits frais ont une durée de vie : viande, poisson, charcuteries, fromages et autres produits laitiers sont des denrées périssables et susceptibles de provoquer des intoxications alimentaires si elles sont consommées au-delà d’une certaine date. C’est pour cette raison que dans les années 1960 les distributeurs de l’agro-alimentaire ont eu l’idée de faire apparaître sur les produits frais une date de consommation. Une idée par la suite imposée par l’Etat au début des années 1980 puis homogénéisée au niveau européen au début des années 2000. Si vous êtes, comme moi, attentif aux dates lorsque vous faites vos achats (une habitude dont je déplore qu’elle ne soit pas partagée par mon conjoint, qui rapporte régulièrement 12 yaourts qui périment dans 3 jours…), vous vous demandez certainement comment ces dates sont calculées – et si l’on peut s’y fier.
Il faut tout d’abord distinguer entre deux types de mentions : la date limite de consommation (DLC) qui s’applique à la plupart des produits frais et qui constitue une date maximale de consommation d’un produit sans risques pour la santé (et pour autant que la chaîne du froid ait été respectée) et la date de durabilité minimale (DDM, ex-date limite d’utilisation optimale) qui est une durée de consommation conseillée pour que le produit conserve ses propriétés organoleptiques : aspect, goût, saveur, consistance…
- Les DLC sont calculées à partir d’études en laboratoire réalisées par les fabricants, sur la base d’une moyenne. Le principe de précaution prévaut et il y a toujours une marge de quelques jours. Mieux vaut cependant les consommer dans le délai imparti, mais on peut légèrement dépasser cette date. C’est particulièrement vrai pour les yaourts (les vrais, pas les desserts lactés) qui peuvent être mangés plus de trois semaines après la date figurant sur le paquet, de même que le beurre, la crème fraîche, les fromages à pâte dure et les laits UHT. Ceci ne vaut que pour les produits sous leur emballage fermé d’origine. Une fois ouverts, ils doivent être consommés dans les 24 à 48h maximum.
Les œufs dans leur coquille, conservés au froid, se gardent quatre semaines après leur date de ponte. Les blancs se conservent quelques jours au réfrigérateur, mais les jaunes se périment en quelques heures. Enfin, le bon sens prévaut : si l’œuf est fêlé, si l’emballage du produit est bombé, si le produit a changé d’aspect ou s’il sent mauvais, on le jette bien entendu. La DLC est une protection sanitaire tout à fait fondée.
- En revanche, la DDM est plus discutable. C’est un peu l’obsolescence programmée des aliments de votre placard. Car si une date optimale figure sur votre paquet de farine ou de riz (approximativement de deux ans après leur date de fabrication), cela reste une recommandation purement indicative, car en fait ces aliments peuvent se conserver pendant plusieurs années au-delà. C’est d’ailleurs le cas de la plupart des aliments secs, ou débarrassés d’eau : pâtes, riz, légumineuses, farine, sel, sucre, épices (qui peuvent, au pire, perdre leur saveur), thé, lait en poudre, chocolat en poudre, tablette de chocolat (dont la pellicule blanche qui peut la recouvrir n’est qu’une réaction du sucre qu’elle contient, sans danger pour la santé), vinaigre blanc, biscuits secs, mayonnaise, moutarde, ketchup, et même le miel qui se conserve à vie !
- Les conserves, qui sont par définition stérilisées, se gardent plusieurs années, dès lors qu’elles ne sont ni déformées ni bombées. Même chose pour les surgelés, à condition qu’il n’aient jamais été décongelés puis recongelés, ce qui expose à une prolifération bactérienne que le froid ne détruit pas.
Enfin, vous observerez que les fruits et légumes frais que vous achetez au marché ou chez votre primeur ne comportent pas de date. La plupart du temps, vous vous fiez à votre bon sens en contrôlant l’aspect ou la consistance. N’oubliez pas non plus qu’un fruit ou un légume tâché n’est pas impropre à la consommation, et si vous avez un doute, il vous suffit de couper la partie abîmée.
En octobre dernier, à l’occasion de la journée mondiale contre le gaspillage alimentaire, plusieurs associations – et les créateurs de l’application To good to go, qui permet aux particuliers de récupérer à moindre coût les invendus des chaines de restauration, ont lancé une pétition « Quand c’est dépassé, c’est pas terminé » à destination des industriels de l’agro-alimentaire. Ils demandent un allongement des dates de péremption des produits. En effet, on observe une tendance des fabricants à faire figurer des DLC de plus en plus courtes, essentiellement pour des raisons marketing : faire revenir le consommateur plus souvent dans les lieux de vente pour qu’ils achètent davantage. Or ils rappellent que les dates mal appréciées sont responsables de 20% du gaspillage alimentaire des foyers français. Ce principe a été appliqué en Norvège, où une mention complète la date de durabilité minimale : « mais encore bon après… ». Cette pétition a déjà recueilli près de 50 000 signatures.
A nous aussi de ne pas nous laisser piéger, en achetant juste (prenez certaines des habitudes du batch-cooking) et en consommant responsable.
Pour aller plus loin : le tumblr anti-gaspi du Ministère de l’agriculture