Sportifs, influenceurs à succès, artistes ou entrepreneurs… Ils sont nombreux à avoir popularisé cette intention a priori louable : ajuster son mode de vie pour devenir la meilleure version de soi-même. Cette philosophie de vie a priori bienveillante réinvente les traditionnelles bonnes résolutions. Elle encourage à se dépasser, à sortir de sa zone de confort et à développer ses potentialités, pour se révéler et vivre une existence plus épanouie et conforme à ses aspirations. Cette approche est fortement influencée par la psychologie positive et de nombreuses techniques de développement personnel, dans le but de se connaître davantage, d’être aligné avec ses valeurs, de se fixer des objectifs ambitieux, et d’avancer vers ces buts en prenant de meilleures habitudes ou en cultivant les compétences nécessaires. Un processus dynamique pour faire naître une sorte de « nouveau soi », et qui peut passer par une remise à plat de son alimentation ou de ses habitudes de sommeil, la pratique d’une activité physique ou de la méditation, la préparation mentale ou l’acquisition de soft skills indispensables

Dans l’absolu, cela peut être un formidable levier d’évolution personnelle. Dans la réalité, cela peut constituer un ensemble d’injonctions qui frisent le burn-out du bien-être.

La face sombre du Graal de l’idéal

Malgré ses intentions louables, ce concept peut rapidement engendrer des dérives.

Premier risque : l’excès de pression. Dans une société où la performance et la productivité sont exposées et valorisées, la quête de la « meilleure version de soi-même » peut vite devenir une norme implicite exorbitante. On se compare à des influenceurs sur les réseaux sociaux, à des modèles de réussite dans le domaine sportif ou entrepreneurial, et on finit par se sentir dépassé par toutes ces injonctions à s’améliorer sans relâche. Ce qui laisse supposer aussi que la version actuelle de ce que nous sommes n’est pas conforme à ce qu’elle devrait être. Au lieu de stimuler notre envie de progresser, cela peut créer de l’anxiété, nous laissant le sentiment de ne jamais en faire assez – ou de ne pas être à la hauteur.

D’où le deuxième risque : la quête de perfectionnisme. Vouloir atteindre l’excellence dans tout ce que l’on entreprend peut conduire à un épuisement physique et mental. On s’impose des objectifs stricts, on vise la perfection dans chaque détail, au point de culpabiliser à la moindre entorse à nos principes. Cette quête sans fin du « toujours mieux » peut entraîner stress, fatigue et même désespoir si l’on se sent incapable de répondre à ces exigences que l’on s’impose. Elle menace l’estime de soi.

Enfin, cette focalisation exacerbée sur soi peut mener à un individualisme excessif. À trop se centrer sur nos défis personnels, nos performances, notre croissance, on peut oublier de s’investir dans des causes plus collectives, ou de cultiver aussi la bienveillance envers autrui.

La voie du milieu

Si elle est menée dans l’optique de s’aligner sur ses valeurs, la démarche d’amélioration peut devenir porteuse de sens. Elle invite à devenir une meilleure personne non seulement pour soi, mais aussi pour les autres ou la collectivité, en contribuant à un monde où chacun peut trouver sa place et évoluer avec plus de conscience et de respect des autres. Dans cette perspective, la quête de la meilleure version de soi-même constitue aussi un outil de développement collectif et d’amélioration de la société, et non une injonction individualiste.

Le mieux est de procéder par étapes successives, à franchir en douceur :

1 – Identifier clairement ses priorités

Avant de vous engager dans un programme de « réinvention », prenez le temps de clarifier ce qui compte vraiment pour vous. Quels sont vos valeurs fondamentales, vos centres d’intérêt et vos aspirations profondes ? Par exemple, si la famille est au cœur de vos priorités, évitez de vous imposer des objectifs professionnels trop ambitieux qui empiéteraient sur votre vie personnelle.

2 – Se fixer des objectifs progressifs et réalistes

Attention à la tentation de vouloir tout changer du jour au lendemain. Établissez plutôt des paliers : commencez par une nouvelle habitude simple (méditer cinq minutes par jour, marcher dix minutes de plus, lire un chapitre chaque soir…) et laissez-la s’installer. Une fois cette habitude acquise, introduisez-en une autre, puis une autre encore…

3 – Faire preuve d’auto-bienveillance

Les échecs et les retards ne doivent pas être vécus comme des catastrophes. Elles font partie du parcours. Apprenez à accueillir vos difficultés avec mesure. L’auto-bienveillance permet de relativiser les erreurs et d’en tirer des enseignements : c’est un processus d’amélioration plus doux et plus durable.

4 – Célébrer les petites victoires

Quand un objectif intermédiaire est atteint, prenez le temps de le savourer et de vous féliciter. Vous l’avez bien mérité ! Cela renforce la dynamique positive, nourrit la motivation et encourage à continuer. Ne négligez pas non plus l’impact psychologique bénéfique de la gratitude envers soi-même.

5 – Se faire accompagner si nécessaire

Un thérapeute, un coach ou même un groupe de soutien peuvent aider à prendre du recul, à mieux gérer le stress ou l’anxiété et permettre d’adopter des méthodes plus sereines. Apprenez à reconnaître les moments où vous avez besoin d’une aide extérieure pour dépasser des blocages ou éviter l’épuisement mental.

6 – Privilégier une vision globale

Être la « meilleure version de soi-même » ne se limite pas aux performances professionnelles ou à l’apparence physique. Veillez à maintenir un équilibre entre les différents domaines de votre vie : couple, famille, amis, travail, santé, loisirs, épanouissement personnel, engagements collectifs

« La meilleure version de soi-même » est un projet, mais pas à n’importe quel prix. L’important est de ne pas se laisser enfermer dans un modèle standard, mais de choisir en conscience ce qui nous convient, en respectant nos valeurs et notre trajectoire singulière.