Quand les phénomènes mondiaux créent un climat de préoccupations constantes, la vigilance à son propre équilibre peut s’avérer une nécessité. Prendre soin de soi est devenu un puissant mantra post-Covid. Mais entre nombrilisme et détachement, comment trouver la juste dose ? C’est ce que propose le self-care.

Depuis trois ans, deux phrases se sont invitées dans nos échanges par mail. La première, qui introduit presque chaque missive est « J’espère que vous allez bien », et la seconde, qui en est souvent la conclusion « Prenez soin de vous ». Au printemps 2020, prendre soin de soi est devenu en quelques jours le bouclier-mantra superstitieux que l’on tendait aux autres, comme un paratonnerre. Entre les lignes, il fallait lire « Tout va mal, mais je croise les doigts pour que ça se passe bien pour vous ». Alors que les moyens collectifs de protéger notre santé étaient réduits, chacun ne pouvait finalement s’en remettre qu’à lui-même.

Se préoccuper de sa propre santé et de son équilibre

Et puis, les choses se sont arrangées, mais le « prendre soin » a perduré. Il signifie désormais qu’on a aussi le droit de se préoccuper de sa propre santé et de son équilibre – et peut-être même avant celui des autres.

Voilà bien un changement de paradigme assumé, dans une société où on nous a élevés avec l’idée qu’il faut d’abord plaire, voire faire plaisir aux autres, et faire passer leur satisfaction avant la nôtre, que ce soit à l’école, à la fac, au travail, ou dans la vie de famille.

Self quoi ?

Alors, penser d’abord à soi serait-il une attitude délibérément individualiste, pour ne pas dire égoïste ?

Rien n’est moins sûr. Cette nouvelle tendance se démocratise, tout en s’affranchissant de la part de culpabilité qu’elle véhiculait. Ne le cachons pas, la littérature feel good et les influenceurs bien-être sont les promoteurs acharnés de ce qu’il faut désormais appeler le self care – ou auto-soin en bon français. Si ce terme a été popularisé dans les années 1970 dans les milieux médicaux pour désigner la capacité des patients à se gérer eux-mêmes, sa définition actuelle a légèrement évolué.

Le self care fait référence à l’ensemble des actions que l’on engage délibérément pour prendre soin de sa propre santé physique, mentale, émotionnelle et même spirituelle. Le self care n’est cependant pas tourné uniquement vers le plaisir de celui qui le pratique, mais plutôt vers la recherche d’un équilibre respectueux entre une personne et son environnement – et les personnes avec lesquelles elle interagit.

Aux Etats-Unis, il est revendiqué par des personnalités aussi médiatiques de Gwyneth Paltrow, Oprah Winfrey, Ellen DeGeneres ou Arianna Huffington. En France, ce mouvement est plus discrètement incarné par des personnes comme Julien Doré, Sophie Marceau ou le philosophe Fabrice Midal.

Comment faire ?

Pas facile d’inverser la vapeur, quand on a eu trop tendance à s’oublier…

Penser aussi à soi suppose de veiller d’abord à sa santé somatique, grâce à une attention portée à son alimentation, son sommeil et une activité physique régulière, sans être dans les injonctions, ni la performance.

Sur le plan psychologique, l’effort va être porté sur l’estime et la confiance en soi. Cela suppose de s’engager dans des activités et loisirs qui répondent à ses besoins et qui apportent de l’épanouissement. A l’inverse, il s’agit de refuser toute forme d’emprise ou de harcèlement, de veiller à entretenir des relations saines – loin de personnes manipulatrices ou toxiques. Le respect de sa propre opinion – qui peut cohabiter avec des avis divergents des autres – est également important, tout comme le consentement, qui est également au cœur du self care. D’ailleurs, savoir dire non, poser des limites et entendre les faire respecter est une des clefs du self care. On pense tout particulièrement au juste équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Face aux inévitables épreuves de la vie, prendre soin de soi suppose de s’accorder du temps , d’accepter de recevoir du soutien, et de faire preuve de résilience.

Certaines pratiques sont réputées pour contribuer utilement au self care : la méditation, le yoga, la marche dans la nature, l’alimentation végétale, les pauses pour se relaxer, l’écriture, les activités créatives… L’éventail est large, et à la discrétion de chacun.

Simple ou simplet ?

Le self care invite a plus d’honnêteté envers soi-même, surtout quand on a connu des années de sacrifices altruistes. Vous avez sans doute déjà entendu cet adage : il faut bien prendre soin de soi pour bien prendre soin des autres. Cette antienne peut paraître simpliste, et tant de bonnes intentions sont sans doute plus facile à revendiquer quand on est manager dans le secteur tertiaire que lorsqu’on est ouvrier dans le BTP.

D’aucuns critiquent ce mouvement gentillet, au prétexte que l’attention portée à soi affranchit de l’intérêt aux sujets sociaux ou politiques. L’individualisme du self care empêcherait de réfléchir et détournerait les citoyens des vraies questions. D’autres soulignent la récupération mercantile d’un mouvement à la limite le la gouroutisation, par des entreprises prêtes à vendre force compléments alimentaires, applications et autres dispositifs médicaux pour se sentir mieux.

Au final, chacun est libre de se faire une idée de ce que peut être le self care pour lui. Apprendre à poser des limites et garder du temps pour soi semblent déjà être un bon début. En tout cas idéal pour débuter une nouvelle année, non ?