Avant, il était parfois difficile de mettre la main sur les grands-parents : un jour au bridge, le lendemain au golf, la semaine prochaine en croisière. Ou bien on découvrait qu’ils avaient accepté de faire du soutien scolaire – et que des enfants que nous ne connaissons pas les appellent par leur prénom – ou s’étaient engagés comme trésorier du club de foot ou du cours d’allemand. Là fleurissait à nouveau un talent pour l’aquarelle, ici se planifiaient des projets de menuiserie ou de rénovation. Bref, il était difficile de les suivre !

Les seniors, quand ils sont en pleine forme, ont un agenda généralement bien rempli. Mais ça, c’était avant la pandémie.

Car le Covid, s’il présente un risque potentiel pour leur santé et les a contraints à la prudence, a également modifié bien d’autres aspects de leur vie. Plus question de voyager, d’aller voir des amis, de faire des allers-retours incessants entre un appartement urbain et une maisonnette bucolique, au gré des saisons ou de leur humeur. Ils sont, comme nous tous, assignés à résidence depuis un an.

Mais ils ont également endossé d’autres rôles. Crèches et écoles fermés, alors que leurs propres enfants travaillent, ils ont largement pris en charge la garde des plus petits. Aujourd’hui, le télétravail repose sur la capacité d’une famille à compter sur ses aînés pour palier les trous dans l’organisation familiale. Papy et Mamie sont la variable d’ajustement ultra pratique et 100% sécurisée à un emploi du temps surchargé. Ils ont du temps, ils le donnent sans compter.

Idem pour les vacances. Avant on allait chez Papy et Mamie une semaine pour le plaisir, ou voir ses cousins. Maintenant, ils assurent des tours de garde au long cours, accueillant leurs petits enfants par période. Papy finira ses maquettes plus tard, il a des leçons de maths à expliquer. Mamie s’improvise institutrice, ou a ressorti puzzles et autres livres de contes pour passer le temps autrement. Tout cela en restant prudent, si possible à distance, car n’oublions pas qu’ils sont les premiers concernés par la létalité du virus. Mais s’ils sont vaccinés (ce qui est de plus en plus le cas), les petits enfants retrouvent avec plaisir les câlins et autres bisous qui soignent. Une chaleur et une légèreté irremplaçables par les temps qui courent.

La garde et la continuité pédagogique ne sont pas leurs seules missions.

Ils sont souvent d’un soutien psychologique précieux pour leurs enfants. Lesquels enfants frisent le burn-out ou craignent pour l’avenir de leur boîte. Les grands-parents pensaient qu’ils avaient fait leur part, en rendant chacun de leurs enfants autonomes : éduqués/diplômés et avec un travail. Ils découvrent à nouveau l’inquiétude pour leur avenir, alors qu’ils sont adultes et « installés ». Mais ça, ils se garderont bien de le dire, et trouvent la phrase qui encourage ou le conseil qui rassure. Les seniors restent une oreille attentive et on réalise qu’ils sont bien plus tolérants qu’ils n’ont pu le paraître par le passé. Tout évolue, même eux !

Enfin, il est de plus en plus fréquent qu’ils assurent un soutien matériel, voire financier.

Depuis quelques années déjà, on voit des quadragénaires « revenir chez leurs parents ». Non pas dans un effet Tanguy tardif mais parce que, à la suite d’un licenciement ou d’un divorce, ces adultes doivent faire ce choix plus ou moins temporairement, pour des raisons matérielles. Pour certains pères, c’est d’ailleurs parfois la seule manière de voir leurs enfants dont ils ont la garde. Cohabiter entre adultes de deux générations différentes n’est pas aisé, mais c’est parfois une nécessité. Une situation inédite, dans laquelle chacun doit mettre du sien. Dans ce cas, il n’est pas rare que les enfants adultes deviennent aussi des assistants de vie, quand leurs propres parents vieillissent. Et dans une période de chômage partiel, ou de recherche d’emploi, les parents retraités mettent parfois la main à la poche pour aider. Là, une de mes amies me confie qu’elle co-finance les études de son petit-fils, un autre Papy-gâteau prête sa voiture à celui des ses petits-enfants qui en a besoin.

On moque parfois les boomers, à d’autres moments on envie le niveau de vie ou la liberté dont ils ont pu profiter, on critique leurs comportements environnementaux délétères, mais ils restent des vigies disponibles et surtout aimantes et font leur part dans une période difficile qui demande les efforts de tous.