Vous vous trouvez exagérément réactive à l’actualité. Votre cousine s’émeut de la condition animale au point de ne plus pouvoir regarder aucun reportage sur le sujet. Votre voisin est devenu allergique aux bruits, et dans la rue, piétons et vélos s’invectivent au moindre problème. Sommes-nous plus irritables ou carrément hypersensibles ?

Si l’on en croit la littérature, l’hypersensibilité n’est ni un trouble mental, ni une maladie. Il s’agit davantage d’un trait de personnalité qui se traduit par une réactivité sensorielle et émotionnelle plus élevée que la moyenne. Il ne s’agit pas d’un comportement délibéré, mais d’une caractéristique liée à l’individu. Concrètement, une personne hypersensible se comporte comme une véritable « éponge émotionnelle » : elle est très réceptive aux stimuli de son environnement – notamment sensoriels, reçoit un flot d’informations qu’elle traite de manière particulièrement approfondie sur le plan cognitif, et réagit avec une forte intensité sur le plan émotionnel, faisant preuve d’une empathie exacerbée. ​Loin d’être rare, ce trait de personnalité concernerait environ une personne sur cinq. Certains auteurs lui préfèrent d’autres appellations comme « haut potentiel émotionnel », « haute sensibilité » ou « ultra sensibilité ».

Ce concept a été défini dans les années 1990 par la psychologue Elaine Aron, qui parlait alors de « sensibilité de traitement sensoriel » (Sensory processing sensitivity).

Ce trait de caractère présente à la fois des aspects positifs et négatifs. D’un côté, les personnes hypersensibles font souvent preuve d’une grande attention aux détails, d’une empathie élevée et d’une capacité profonde à ressentir les émotions ; elles sont très intuitives, créatives et réceptives à l’art. De l’autre, leurs propres émotions sont plus intenses et peuvent être plus difficiles à réguler au quotidien​. Une personne hypersensible peut vivre cette intensité comme difficile à gérer elle-même, et son entourage la percevoir souvent comme ayant des réactions excessives.

Comment mieux vivre avec une hypersensibilité ?

Si l’hypersensibilité n’est pas une pathologie en soi, elle peut néanmoins provoquer des troubles psychiques comme l’anxiété ou la dépression si elle n’est pas bien vécue, ou si l’entourage est peu soutenant, voire critique. Elle peut aussi être associée à des troubles du neurodéveloppement, comme le trouble du spectre autistique (TSA) ou le trouble du déficit de l’attention avec (ou sans) hyperactivité (TDAH). Toutefois, on peut apprendre à composer avec elle au quotidien.

Voici quelques pistes éprouvées pour aider les personnes hypersensibles à s’épanouir tout en gérant leurs particularités :

Les stratégies personnelles de régulation

Plus une personne hypersensible se connaît et plus il va lui être facile de faire face aux difficultés qu’elle rencontre. Le premier intérêt est de repérer ses propres signes de surcharge sensorielle et/ou émotionnelle afin d’anticiper et de mieux gérer les moments de tension. Il est préconisé de s’accorder régulièrement des moments de solitude, au calme, pour se ressourcer : marche dans la nature, activités tranquilles, relaxation…

Ensuite, toutes les techniques de gestion du stress comme la méditation de pleine conscience, le yoga ou la cohérence cardiaque peuvent être bénéfiques pour apaiser le flot de pensées et parvenir à lâcher prise sur les émotions négatives​. De même, veiller à son hygiène de vie est crucial : dormir suffisamment, avoir une alimentation équilibrée et pratiquer une activité physique régulière aide à réguler le stress et l’humeur​.

D’une manière générale, cultiver une attitude de positivité et d’acceptation vis-à-vis de sa sensibilité contribue à un meilleur équilibre psychologique​. Les psychologues suggèrent, par exemple, de tenir un journal de gratitude ou de prendre conscience, à la fin de chaque journée, de ce que cette sensibilité a pu apporter de bon.

Enfin, partager son vécu avec des personnes de confiance permet d’alléger l’isolement et la culpabilité, notamment en échangeant avec d’autres hypersensibles, dans le cadre de groupes de parole, ou de forums. Le soutien entre pairs est extrêmement libérateur.

L’adaptation de l’environnement 

Aménager un cadre de vie aussi apaisant que possible permet d’amortir en partie les stimuli excessifs. Il s’agit pour la personne hypersensible d’identifier les principaux déclencheurs qui la perturbent le plus (bruits, lumière vive, foule…) et de trouver des astuces pour les réduire. Par exemple, on peut organiser chez soi un coin tranquille où se retirer en cas de besoin, ou utiliser à l’extérieur des dispositifs pour filtrer les stimuli : porter des bouchons d’oreilles ou un casque anti-bruit dans les transports ou dans la rue, utiliser des lunettes teintées si la lumière est trop agressive​…

 Au travail, il peut être utile de s’isoler ponctuellement dans un lieu calme ou de privilégier, si possible, un poste moins exposé aux sollicitations incessantes. Établir une routine structurée aide également à ne pas se laisser déborder (planifier des pauses régulières, éviter la surcharge d’activités). Enfin, il faut s’efforcer de se protéger émotionnellement, en limitant autant que possible l’exposition aux contenus émotionnellement lourds : actualités anxiogènes, films violents, réseaux sociaux stressants…

En créant un environnement plus prévisible et respectueux, une personne hypersensible peut mieux apprécier ses journées sans se sentir continuellement sur le qui-vive.

Les soutiens thérapeutiques et professionnels 

Si l’hypersensibilité devient source d’une souffrance psychique, qui peut s’exprimer par un repli social, un épuisement récurrent ou une anxiété chronique, il ne faut pas hésiter à solliciter une aide professionnelle. Un accompagnement par un psychologue ou un psychiatre est fortement recommandé lorsque la haute sensibilité impacte négativement la vie sociale, familiale ou professionnelle​.

Au cœur de cette prise en charge les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) fonctionnent bien car elles aident à reconsidérer les pensées envahissantes et à développer des stratégies pour mieux gérer les émotions, tandis que la thérapie interpersonnelle peut améliorer l’affirmation de soi et les relations avec les autres. Les thérapeutes font généralement travailler une personne hypersensible sur l’estime de soi, tout en apprenant à poser des limites saines pour ne pas absorber les émotions des autres à son propre détriment.

L’objectif global de ces accompagnements est d’apprendre à mieux se connaître en tant que personne hypersensible, de tirer parti de ses forces (empathie, créativité, intuition…) tout en disposant d’outils pour éviter d’être submergé et préserver sa qualité de vie.

L’hypersensibilité est une réalité courante, qui ne doit être ni dramatisée ni banalisée, mais considérée comme un atout, en essayant d’en limiter au maximum les inconvénients, sans pour autant renier sa nature profonde.

Pour aller plus loin :

– Site de l’observatoire de la sensibilité : https://lasensibilite.com/

– Livre : L’hypersensibilité pour les Nuls, Saverio Tomasella, Cédric Vitaly, Edi8, 2020

– Livre : Fort comme un hypersensible, Maurice Barthélémy, Ed. Michel Lafon, 2021

– Livre : Hypersensibles, mieux se comprendre pour mieux s’accepter, Elaine N. Aron, Marabout poche, 2019