Notre assiette est l’objet de toutes les vigilances, et les injonctions alimentaires ne manquent pas pour une vie plus healthy – beaucoup plus saine. On voit poindre de plus en plus d’articles et d’ouvrages qui vantent les mérites du jeûne, une pratique millénaire mais qui a à nouveau les faveurs des médecins et des diététiciens. A l’ère de la surabondance alimentaire et de la nourriture hyper transformée, le jeûne est-il le rédempteur ? Si l’on a du mal à s’imaginer en privation totale de nourriture pendant plusieurs jours, ou si on ne se sent pas la force de se lancer dans une démarche aussi drastique, il reste le jeûne intermittent. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un jeûne « à temps partiel » : sur une même journée, on va s’abstenir volontairement de se nourrir (mais jamais de boire de l’eau !) pendant plusieurs heures.

Jeûner, pourquoi est-ce intéressant ?

A notre tradition moderne des trois repas par jour ce sont ajoutées au fil du temps toutes sortes de collations : en milieu de matinée, au goûter – et nombre de grignotages-plaisir à tout bout de champ. Au-delà du sur-apport calorique, ces mini-repas remettent sans cesse nos organes au travail, en particulier les émonctoires : foie, vésicule biliaire, reins… Ils tournent à bas régime, mais en permanence. Le premier intérêt du jeûne est qu’il leur permet de se reposer, mais il les aide également à se purger, en éliminant toxines ou graisses – ce qu’ils n’arrivent pas à faire le reste du temps, tellement ils sont sollicités.

Les humains (et encore plus les animaux) ont souvent – et naturellement – jeûné : par hasard ou par nécessité, que ce soit en période de disette ou de maladie. Dans un cas, nos réserves permettaient de faire face aux périodes de manque, même sur plusieurs jours ; dans l’autre cas, on évitait de « nourrir la maladie ». Les anciens avaient certainement observé qu’un jeûne alimentaire aidait le corps à mobiliser ses défenses et ses capacités d’auto-guérison.

Le déjeuner (dé-jeûner) était traditionnellement la rupture du jeûne nocturne (du coucher au lever), et se prenait plus tôt dans la matinée, d’autant que le lever était souvent à l’aube. Plus récemment, le petit-déjeuner est venu s’interposer dans cette logique, repoussant ce repas vers midi. La conséquence ? Notre corps secrète quasiment en permanence de l’insuline pour faire face à ce trop-plein digestif. Cette hormone joue sur la prise de poids, la satiété mais entretient aussi l’inflammation dans le corps – créant un terrain favorable à l’apparition de nombreuses maladies (rhumatismes, maladies auto-immunes ou neuro-dégénératives, cancers…). Attention, le jeûne ne soigne pas, il participe seulement à la bonne santé.

En fait, le jeûne sur une longue période va déclencher un mécanisme très intéressant dans le corps :

  • la non-prise alimentaire fait baisser la glycémie. Le pancréas va alors produire du glucagon, une hormone antagoniste de l’insuline,
  • le glucagon fait alors « déstocker » le sucre contenu en réserve dans le foie et les muscles sous forme de glycogène,
  • le glycogène transforme la graisse en carburant. Au bout de 12 à 20 heures (16 heures étant « la bonne moyenne »), dès lors que le glycogène est épuisé, l’organisme va puiser dans les réserves de graisse stockées dans le corps au niveau des réserves adipeuses.

Si nous mangeons, nous stockons à nouveau. Si nous nous en abstenons pendant quelques heures encore, le corps brûle la graisse de réserve. Et pendant tout ce processus, la baisse du taux d’insuline va faire augmenter celui de l’hormone de croissance, qui vient soutenir le glucagon dans son action, avec un avantage supplémentaire : préserver la masse musculaire. On mincit, plus qu’on ne maigrit. Enfin, plus le taux d’insuline baisse et plus le corps sécrète de leptine, l’hormone de la satiété. Bref, le jeûne a tout bon.

Toutefois, le jeûne total est parfois difficile à suivre quand on travaille, et contre-indiqué à un certain nombre de personnes. Le jeûne intermittent, qui alterne sur 24 heures prise alimentaire et jeûne, ne connaît quasiment aucune restriction.

C’est décidé, je m’y mets !

Les bénéfices pour la santé me semblant intéressants, je me suis donc lancée en mai 2019, en tentant d’appliquer la préconisation de base du jeûne intermittent : observer une période de 16 heures consécutives sans aucune prise alimentaire. Si on le positive, cela consiste à condenser ses repas sur une période de 8 heures. En ce qui me concerne, j’ai choisi de m’alimenter entre 13h et 21h (heure de fin de mon dernier repas). Et là, je vous entends vous exclamer : halte-là, hérésie diététique ! On « saute » le petit-déjeuner – un repas réputé comme étant « le plus important de la journée » ? Effectivement, le temps de ce repas est gommé (bien que je vous rappelle qu’il reste une invention moderne), mais cela ne signifie pas pour autant que l’on supprime ce que l’on y mange : on s’alimente sur une période donnée, personne n’a dit que l’on réduisait ses apports alimentaires. A la base, le jeûne est une pause pour le corps, il n’est pas conçu pour être une restriction alimentaire ; sa visée première n’est pas le régime. Les aliments, et les calories, vont simplement être consommés sur 8 heures au lieu de 16.

Pour ma part, je ne suis pas très « fan » du petit-déjeuner, alors que le repas du soir est pour moi un temps de partage en famille et de réconfort, il m’est difficile de m’en passer. Ce rythme me convient, alors que pour d’autres la fenêtre 7h/15h est plus adaptée.
Autre avantage : je peux conserver les dîners au restaurant ou les invitations chez des amis, sans frustration, ni avoir à me justifier (admettez qu’il est rare que l’on vous invite pour le petit-déjeuner !). Socialement, c’est tenable.

Les premiers jours, je reconnais que la faim s’est manifestée deux ou trois fois. Un jour, j’ai même craqué sur un croissant à 11h, n’y tenant plus. Mais je n’ai pas eu de sensation de baisse d’énergie, et aux autres repas, j’ai mangé normalement et avec plaisir.
Les bénéfices sont arrivés au bout de deux semaines : le matin, non seulement je n’avais plus faim (en tout cas pas avant 13h), mais je n’avais plus non plus ces petites fringales de 11h30, qui m’amenaient parfois à grignoter un petit gâteau en attendant le déjeuner, alors même que je m’étais sustentée quelques heures auparavant. Si j’ai perdu deux kilos la première semaine, je les ai repris la semaine suivante. La perte de poids n’était pas ma motivation première, mais je reconnais que j’ai trouvé cela un peu agaçant. J’ai vite compris pourquoi car j’ai commis l’une des erreurs du jeûne (cette vidéo présente d’ailleurs les 5 erreurs de base à éviter) : en continuant à mettre de l’édulcorant dans mon café du matin, j’ai « trompé » mon cerveau qui a identifié ce goût sucré et a continué à produire de l’insuline. Bénéfice zéro.

Au bout de quelques semaines, je me suis sentie globalement mieux. Je suis une grosse marcheuse, j’ai gardé mon énergie. J’ai vite constaté un bénéfice visiblement appréciable : quand le corps déstocke, il va notamment puiser dans une réserve très difficile à évacuer habituellement (et encore plus chez une femme de mon âge) : la graisse abdominale. Indépendamment de l’aspect esthétique, la graisse viscérale est une des pires pour le corps, car elle migre vers les organes. Le jeûne permet vraiment de s’en libérer (et un peu de sport là-dessus devrait faire le reste !).

Après six mois, ma balance affichait moins six kilos. Pas impressionnant du tout comme régime, mais durable. Depuis, je me suis stabilisée à ce poids. J’ai l’impression d’avoir éliminé le surplus, en reprenant la silhouette qui est la mienne.
J’ai observé d’autres petits changements : j’ai moins faim (ou disons que je suis plus vite rassasiée), donc je mange moins en quantité et j’ai moins envie de sucre (ça tombe bien, cela faisait partie de mes résolutions 2019). On sait à quel point les sucres rapides sont des poisons addictifs pour le corps et le cerveau – en excès, bien sûr. Pour moi, le chocolat est indispensable, quoi qu’il arrive !

Le jeûne a aussi un aspect bénéfique psychologique. Il est entré dans ma vie comme une routine, pour ne pas dire une discipline, et change mon rapport à la nourriture – beaucoup plus dans le positif ou le plaisir. Je prête une meilleure attention à la qualité de ce que je mange. La culpabilité face à certains aliments que j’estimais avant « interdits » (les pizzas, par exemple) a également disparu. J’en mange à nouveau, et avec plaisir. Le jeûne, c’est aussi de la légèreté pour la tête !

Si vous souhaitez vous lancer, assurez-vous éventuellement que vous n’avez pas à titre personnel de contre-indications (même si elles sont rarissimes, l’avis de votre médecin reste précieux). On peut commencer sur quelques jours. Trois jours consécutifs suffisent déjà pour en éprouver des bénéfices. Certaines personnes l’appliquent d’ailleurs uniquement trois jours par semaine, et cela fonctionne pour eux. Il est possible de l’interrompre (le temps d’un week-end, de vacances où si l’on a cédé à un délicieux brunch), pour le reprendre ensuite.

Pour aller plus loin :