Les activités manuelles sont parmi mes moyens de ressourcement préférés. Grande fan d’Instagram et des comptes d’artistes et d’illustrateurs, je me suis prise de passion pour la linogravure. Cette technique de gravure est une version moderne de la xylogravure (qui, comme tous les hellénistes que vous êtes le savent, est une méthode de gravure sur bois). Elle utilise cependant un support moins difficile à travailler : le linoléum. Oui, il s’agit bien de ce revêtement de sol qui était peut-être dans la cuisine de votre grand-mère – en fait un matériau naturel, composé à base d’huile de lin, de poudre de liège et de résine, agglomérés sur une toile de jute.

La linogravure est accessible à tous (y compris les enfants) avec peu de matériaux, idéale pour les débutants en dessin, et elle produit un résultat extrêmement flatteur, comme je vais vous le prouver en cinq étapes.

Ainsi, un soir pluvieux de juin, je m’étais inscrite à un cours à l’Etabli, l’atelier de Marion Livran à Montmartre. Pour se prendre pour une artiste à mon tour, il fallait au moins cela !

Cette jeune plasticienne aux talents multiples (elle travaille aussi l’argile et le cyanotype) reçoit et accompagne des débutants pour des initiations en petit groupe.

Chacune devant notre plan de travail (oui, nous n’étions que des femmes), nous voilà parties !

1ère étape : le choix du modèle

A moins que vous ne soyez déjà un dessinateur accompli, mieux vaut reproduire un modèle existant, et souvent en le simplifiant. La linogravure est une gravure dite « à l’épargne », c’est-à-dire que l’on creuse certaines zones avec un outil, pour en épargner d’autres qui resteront en relief, et apparaîtront donc sur le papier une fois que la plaque sera encrée. En revanche, tout ce qui a été creusé demeurera en blanc.

Dans le choix d’un dessin de base, Pinterest est mon meilleur ami et j’étais partie dans l’idée de reproduire cette sirène très ulyssienne (dont les marins ont visiblement passé un sale quart d’heure).

Sur les conseils de Marion Livran, j’ai dû revoir mes ambitions à la baisse… Pour tenir compte du temps imparti (l’atelier dure 2h30 en tout), mieux vaut éviter de se lancer dans de grandes zones à évider.

2ème étape : reproduire le dessin

Comme quand on était enfants, il s’agit à présent de reproduire ce dessin à l’aide d’un calque, pour le reporter sur la plaque de lino. L’avantage, c’est qu’en traçant le dessin sur l’endroit, on le reporte à l’envers, mais comme il s’agit de délimiter ce qui sera un négatif, eh bien à la fin, tout est dans le bon sens. Magique !

Les plus doués peuvent dessiner directement sur le lino, cette matière se gomme très facilement.

Il faut simplement bien réfléchir à ce que l’on va tailler, et à ce qui va rester – l’épargne – ce qui oblige à penser « en négatif ».

 

3ème étape : la gravure

C’est vraiment le moment le plus apaisant ! A l’aide de gouges, on délimite les zones à creuser, on évide de plus larges surfaces, on crée éventuellement des motifs ou des reliefs, pour faire émerger le dessin. Cela demande de la concentration, de la minutie, mais une dextérité moyenne. Même s’il faut rester prudent en plaçant toujours ses doigts derrière la gouge (qui est une lame, pointue, en forme de V ou courbée, selon le modèle qu’on utilise), c’est tout à fait faisable par un enfant à partir de 8-9 ans, surtout si un adulte l’aide au départ. La règle de base : pour protéger ses doigts, on tourne la plaque de lino, et non la gouge. Pour réaliser une estampe au format A5, il m’a fallu quand même une heure.

4ème étape : on prépare l’encrage

Une fois le dessin abouti, il faut bien nettoyer tous les petits morceaux de lino qui pourraient subsister et créer des aspérités qui se verraient ensuite.  Sur une plaque lisse à part, on étale la peinture à graver. Elle contient un ingrédient qui évite qu’elle sèche trop vite, ce qui permet de prendre le temps de bien encrer le rouleau. C’est un des secrets d’une impression réussie : le rouleau d’encrage en caoutchouc doit être recouvert d’une fine pellicule, pour éviter la surcharge de peinture qui irait dans les sillons et zones  évidées, faisant perdre une partie des détails de l’estampe.

 

5ème étape : l’impression

En passant le rouleau à plusieurs reprises sur l’estampe en lino, on dépose la peinture sur toute la surface à encrer. Il ne faut oublier aucun petit détail. Puis, on place dessus (surtout sans bouger !) une feuille de papier type Canson, et là on appuie très très fort sur toute la surface du papier avec une grosse cuillère, pour faire adhérer le papier à l’estampe et assurer un transfert correct de l’encre. Les professionnels utilisent une presse qui permet un résultat plus homogène.

Et là survient le meilleur moment : celui où l’on soulève délicatement le papier pour découvrir son tirage. Si jamais cette première impression n’était pas la meilleure, aucun drame. Une fois l’estampe réalisée, on peut imprimer des tirages quasiment  à l’infini. Le linoléum est un matériau qui se garde dans le temps, et il se lave pour changer de couleur à chaque impression, si on le souhaite.

Rien n’empêche non plus d’améliorer son estampe en  creusant davantage. C’est d’ailleurs ce que je compte faire, car je trouve ma sirène un peu trop noire (ou bleue, en l’occurrence) et manquant sérieusement de contraste.

On peut ainsi imprimer sur un support papier ou carton mais aussi, avec certaines encres, sur du tissu – pour faire une série de tote-bags ou de t-shirts, par exemple.

Une activité qui ouvre à la créativité, avec un résultat relativement rapide et valorisant pour des artistes en herbe.

 

Pour aller plus loin…

  • Le compte Instagram de Marion Livran @maliv_art et son site où elle propose ses ateliers et vend ses propres tirages qui sont de petites merveilles : maliv.bigcartel.com
  • Un exemple de kit de linogravure pour débutants, à la fois avec l’essentiel et néanmoins qualitatif, chez Rougier et Plé : https://www.rougier-ple.fr/kit-apprentissage-de-la-linogravure.r.html
  • Il existe de nombreux tutoriels vidéo sur YouTube, et en tapant linogravure ou xylogravure sur Pinterest on trouve des idées tout à fait réalisables.