Alors que je tentais une sieste, un samedi après-midi, bercée par quelques éclats de voix, l’une enfantine et l’autre en mue, je me suis fait cette réflexion : est-ce que le plus beau cadeau que je me sois offert, et que je continue à m’offrir chaque jour depuis que je suis devenue mère, ça ne serait pas de me laisser déranger ? Cela peut paraître complètement paradoxal…

Mes deux fils, chair de ma chair, m’ont dérangée bien avant que je les mette au monde :

tout d’abord en s’installant dans mon corps, en bouleversant mes hormones puis, une fois propulsés dans le monde, en chamboulant mes nuits, en m’empêchant de dormir plus de deux, quatre, puis — ô Graal — six heures, en me faisant réviser les notions d’hygiène élémentaire — surtout pour le premier —, les tables de multiplication, les fables de La Fontaine, des théorèmes et dates historiques à la pelle relégués depuis longtemps au fond de ma mémoire. Plus encore : tous ces matins trop matinaux, ces cafés ni chauds ni froids, ces chaussettes à l’envers, trouées, dépareillées, disparues, ces boueux bords de terrain de foot, ces réunions ennuyeuses et ces supermarchés bondés. Tout ce cirque ne s’arrête même pas à l’entrée en maternelle, ni en CP, ni en sixième, encore moins à l’éruption des premiers boutons d’acné.

S’y mêlent de surcroît toutes sortes de questions, naïves ou provocatrices selon l’âge du protagoniste :

est-ce que le Père Noël existe, comment on fait les bébés, va-t-on survivre au réchauffement climatique, pourquoi ça me chatouille le ventre, et toi, quelle a été ta plus grosse bêtise ? […]