Médias et politiques brocardent notre président de la République à l’heure où il s’octroie – comme d’autres Français – un « pont ». Se reposer ? Voilà bien une habitude très « ancien monde » et qui n’est pas dans notre air du temps agité, rapide, zappeur et empreint de jeunisme bondissant…
« Rien faire » est un art, et voici (entre autres) pourquoi :
Le corps a besoin de repos
Le sommeil des Français n’est pas toujours d’excellente qualité et la récupération qu’il est censé prodiguer est parfois insuffisante. Au fil des semaines, on accumule une « dette de sommeil » qui entretient une fatigue chronique. Les temps de pause, week-ends, vacances sont autant d’occasions de recharger les batteries, en évacuant le trop plein de fatigue.
Mais le corps est également notre outil – lequel doit être entretenu avec vigilance. Se reposer, c’est donner aussi l’occasion à tout le corps de se détendre : muscles, tendons, ligaments, mais aussi toutes nos grandes fonctions vitales qui vont pouvoir tourner à nouveau à l’équilibre (et non en surchauffe, comme à leur habitude) : respiration et rythme cardiaque fonctionnent à nouveau sur le tempo piano. Donc ce week-end, on préfère son canapé au vélo ou à la salle de sport.
La tête a besoin de faire le vide
Inutile de lister toutes les sollicitations visuelles, auditives et numériques auxquelles nous sommes soumis toute l’année. Notre cerveau est activé par des stimuli incessants, bombardé d’informations, il gère des milliers de pensées et ordonne des centaines de tâches, tel un ordinateur puissant et infatigable.
Las, au bout d’un certain temps (temps de plus en plus court depuis la montée du numérique), la concentration s’étiole, la mémoire se brouille, la créativité s’émousse… Le cerveau lui aussi a besoin de recharger ses batteries. Pour cela, il a le mode « par défaut ».
Au début des années 2000, des chercheurs en neurosciences ont découvert que le cerveau conserve paradoxalement une activité relativement intense alors même que nous sommes inactifs, et que celle-ci est absolument nécessaire à notre équilibre. Lorsque nous sommes éveillés et que nous ne faisons rien de précis ou quand nous rêvassons, des zones de notre cerveau se mettent en action : c’est le réseau cérébral du mode par défaut. Étonnamment, ces zones cérébrales sont parfois très éloignées les unes des autres mais elles entrent en connexion entre elles pour nous aider à récupérer.
Bien que l’on ne connaisse pas encore toutes ses possibilités, le mode par défaut aurait plusieurs vertus : faciliter les apprentissages, consolider la mémoire, développer la créativité, favoriser l’introspection et la conscience de soi… Les artistes et les chercheurs en ont souvent fait l’expérience : les grandes idées jaillissent quand on est perdu dans ses pensées…
Le cerveau a la capacité d’entrer et sortir rapidement du mode par défaut – et la moindre activité consciente nous en chasse. Jouer à Clash Royale en attendant le bus n’est pas une activité qui met le cerveau en mode par défaut. En revanche cet état est possible si l’on s’assoit sur le banc de l’abribus et que l’on contemple les reflets du soleil dans une flaque d’eau…
L’homme a besoin d’intégrer ses expériences
On a déjà bien assez des médias qui nous font zapper d’une actualité à l’autre et baladent nos centres d’intérêt d’un sujet à l’autre. Prenons, nous, le temps d’intégrer nos expériences de vie, afin de pouvoir passer consciemment à autre chose. Quels que soient les événements que nous traversons, il faut un temps pour les « digérer », se les approprier. Un temps indispensable de réflexion, colère, refus, acceptation, maturation, recul… Un temps pour comprendre, ré-ajuster, profiter ou célébrer. Et ça ne peut se faire que dans un temps de silence, sans être perturbé par d’autres considérations. Dieu lui-même n’a t-il pas gardé un jour pour se remettre d’avoir créé – en se reposant ?
Dieu bénit le septième jour et en fit un jour sacré, car en ce jour Dieu se reposa de tout le travail qu’il avait fait en créant.(Genèse, 2,3 dans la Nouvelle Bible Segond).
Adonnez-vous donc ce week-end, sans remords, à l’inactivité. Et pourquoi pas avec la lecture de « L’art presque perdu de ne rien faire » de Dany Laferrière (Grasset 2014). Un essai savoureux qui prouve que l’inactivité peut aussi rendre immortel !