Mon mari et moi arrivons à la gare de Bordeaux au milieu de la pire vague de chaleur de l’histoire de la France. Couverts de sueur et de poussière, nous roulons sur des vélos de location bien trop lourds et tirons une remorque contenant une tente en mauvais état et notre bébé de quatre mois. Notre voyage à vélo de Toulouse à Bordeaux avait connu ses moments de satisfaction, mais ce n’étaient certainement pas les vacances les plus relaxantes que nous ayons prises.

Nous nous frayons un chemin à travers la foule estivale jusqu’au tableau affichant les départs pour constater avec consternation que 1.) notre quai se trouve de l’autre côté de la gare, et 2.) qu’il nous reste exactement deux minutes pour nous y installer avec nos vélos et notre remorque/bébé. Oh ! et 3.) qu’il y a une longue file d’attente devant l’ascenseur. À ce moment-là, j’aurais pu abandonner, mais mon mari soulève les lourds vélos dans les escaliers et donne des ordres. « Prends le bébé ! Va par-là ! Tiens ça ! Tiens-toi là ! Maintenant, cours ! » Nul ne sait comment, mais nous réussissons à avoir notre train.

Il y a longtemps, lorsque je me suis renseignée sur ce que Dieu attendait vraiment de moi dans le mariage, les complémentariens m’ont dit : « Il ne peut y avoir qu’un seul roi dans un château. » Ce n’est pas pour rien qu’ils choisissent cette métaphore particulière. Même s’il s’agit d’un souverain bienveillant, tôt ou tard, il y aura une crise. Le château sera attaqué, et alors il faudra que tout fonctionne avec une rapidité et une efficacité militaire. Cela signifie qu’il ne peut y avoir qu’une seule personne pour mener la barque, ou la bataille. Tout autre arrangement met en jeu la survie du château.

À l’époque, je ne savais pas trop comment répondre à cet argument, si ce n’est en disant : « Mais je ne veux pas vivre dans une monarchie. » Maintenant que je suis mariée, j’ai une idée bien plus claire de la façon dont on peut gérer une crise dans le cadre d’une relation non hiérarchique et empreinte de respect mutuel. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que mon mari prenne les choses en main et donne des ordres, comme ce jour-là à la gare. Si je m’étais arrêtée pour dire : « Attends une minute ! Qui t’a mis aux commandes ? Et si ce n’est pas la meilleure façon de faire les choses ? Ne devrions-nous pas en discuter ? », alors nous […]