Vous connaissez peut-être cette série qui a connu un grand succès il y a une dizaine d’années, Lie to me ? Son héros, le Dr Cal Lightman est un psychologue qui collabore avec la police et repère, lors des interrogatoires, les micro-expressions du visage qui révèlent aux enquêteurs si le suspect dit la vérité ou non.

C’est la première fois qu’une fiction mettait en scène cette science de la perspicacité, qui s’appuie sur les travaux de Paul Ekman, un psychologue américain bien réel, qui a établi un rapport entre les expressions du visage et les émotions.

Nos émotions se lisent sur votre visage, et certains savent en comprendre le sens.

Car si l’humain peut se forcer à travestir la réalité, le corps, lui, ne ment pas, tout simplement parce que l’expression des émotions relève de la biologie. Ces réflexes instinctifs impliquent des dizaines de muscle et sont toujours plus rapidement exprimés que les mots, qui supposent que le langage se structure – ce qui prend plus de temps. Or, dans un échange interpersonnel, si les mots et les gestes se contredisent, nous choisissons toujours de croire les gestes. C’est l’effet Mehrabian, du nom du chercheur américain qui a mis en évidence cette tendance.

Depuis, on ne cesse d’explorer les possibilités du langage corporel, par définition non-verbal : mimiques, mouvements des yeux, gestes, mouvements du corps, position des mains ou des doigts…

En 2018, en France, dans l’affaire Jonathann Daval, la gendarmerie a eu recours au soutien d’une psychologue comportementaliste, pour orienter les interrogatoires en tenant compte de la personnalité du prévenu.  Jusqu’à obtenir les aveux du mari meurtrier – auparavant veuf éploré – qui ont fait l’effet d’une bombe. Mais, ce qui a fortement ému l’opinion publique, c’est de découvrir un coupable avec une personnalité double, cachée, voire très contrôlée, qui a ensuite fait l’objet du décodage de chacun de ses gestes, lors d’interventions télévisées. Mains devant la bouche, lèvres mordues, posture repliée… De tout son corps, Jonathann Daval trahissait ce qu’il tentait de retenir.

Sans en arriver à des utilisations aussi dramatiques, la connaissance subtile des gestes et expressions peut s’avérer bien précieuse : quand on reçoit un candidat en phase de recrutement, lorsqu’on écoute un homme politique, quand on négocie les termes d’un contrat, lors d’une audience, ou même dans une relation amoureuse qui débute…

La PNL (programmation neuro-linguistique) a été élaborée par les américains Bandler et Grinder, notamment par l’observation des expériences en hypnose de Milton Erickson, et en s’inspirant de la gestalt thérapie. Ils se sont attachés à la communication entre deux personnes – et aux manières de l’améliorer. Si tout le monde connaît la fameuse synchronisation (qui consiste à adopter la même posture physique qu’un interlocuteur pour créer un mimétisme et emporter son adhésion), on a moins l’habitude d’observer les mouvements des yeux. Ils traduisent pourtant l’origine des pensées du locuteur, qu’il s’agisse de souvenirs qu’il se remémore ou de faits qu’il invente.

Plus récemment, la synergologie – un terme élaboré et déposé par le québécois Philippe Turchet – décode les micro gestes des mains et des doigts, pour interpréter la cohérence d’une personne. Plus de 1200 gestes – et leur sens – ont ainsi été cartographiés.

Mais la question est de savoir si l’on peut tromper son interlocuteur en adoptant volontairement des gestes convenus ? Cela parait bien entendu possible, mais en réalité pas longtemps. Assez rapidement, le corps va imperceptiblement reprendre des micro gestes qui traduisent le fond de sa pensée. Pas de manipulation possible, donc. En revanche, il peut être intéressant de comprendre les gestes d’une personne avec laquelle on échange, surtout si les enjeux sont importants et les hésitations possibles. Cette personne est-elle à l’aise ? Son discours est-il authentique ?

PNL et synergologie sont considérées comme des pseudo-sciences, sans fondements scientifiques validés ? Pour autant, certaines observations s’avèrent étonnantes. Elles ne doivent pas être considérées de manière systématique, ni « magique », car il faut également tenir compte du contexte mais aussi de l’éducation de la personne, de sa personnalité, qui font qu’elle est plus ou moins réservée – ou plus ou moins expressive.

Vous voulez quelques exemples ?

  • Contrairement à ce que l’on pense, un menteur regarde son interlocuteur droit dans les yeux quand il s’exprime. On se souvient bien de cet ancien ministre du Budget, qui affirmait « les yeux dans les yeux » ne pas détenir de compte à l’étranger…
  • Les gestes d’auto-contact traduisent généralement un malaise, ou une anxiété, que la personne compense par un contact qui la réconforte : se toucher le nez ou l’oreille, se gratter la tête ou la nuque, lisser ses cheveux, se caresser le bras…
  • Les croisements de main indiqueraient une volonté de se rassurer en se « tenant par la main », ou une posture défensive, comme un bouclier entre soi et les autres. Mais quand les pouces sont tournés vers le haut, cela traduit plutôt une volonté d’ouverture.
  • Un sourire franc fait plisser les commissures des lèvres, mais crée aussi des plis autour des yeux. Si ces derniers ne se mettent pas spontanément en place, c’est que la personne se force à sourire.
  • Les mouvements des pieds peuvent traduire l’envie d’échapper à une situation (battements) ou l’énervement (petits coups sur le sol) ou encore la recherche d’ancrage, en cas de manque de confiance (pieds enroulés autour du siège).

Non généralisables, ces gestes peuvent toujours donner un éclairage, tout comme le fait, dans tout échange, de laisser la place à notre intuition, qui est une excellente conseillère.

Pour aller plus loin :

– J’ai reçu en mai sur Fréquence protestante Véronique Millet qui est synergologue. Elle nous a présenté cette méthode et donné quelques exemples précis. L’émission est disponible en replay.

– Isabelle Duvernois, psychologue clinicienne, a écrit « Le langage du corps », un petit précis des gestes à observer, paru aux éditions Larousse poche.

– Philippe Turchet propose de nombreux exemples, vidéos à l’appui, sur son blog.