Jadis, quand les réunions étaient un peu trop longues, nombre de participants glissaient progressivement un œil vers leur smartphone, histoire de se changer les idées. Aujourd’hui, en visioconférence, difficile de savoir ce que pense ce collègue qui a coupé sa caméra (au prétexte d’économiser la bande passante).
Ils nous entendent, mais nous écoutent-ils vraiment ? Et quand on est de retour au bureau, le masque est une barrière qui occulte la plupart de expressions et crée parfois des malentendus.
Il est temps de se remettre à l’écoute active, un outil jusqu’ici réservé aux managers soucieux de leurs équipes, mais que tout un chacun peut utiliser.
On doit au psychologue américain Carl Rogers la pratique de l’écoute active, dans la thérapie dite « d’approche centrée sur la personne » qu’il a développée dès les années 1950, et poursuivi tout au long de sa vie. Cette approche était d’abord destinée aux soignants, thérapeutes et professionnels de l’accompagnement, pour prendre en compte leurs patients/clients dans leur globalité. L’écoute active a ensuite révélé un fort potentiel dans d’autres domaines, notamment l’éducation et le management. La PNL (programmation neurolinguistique) comme la communication non-violente se sont également emparés de cet outil, en le déclinant dans le monde du travail.
A la base, cette habileté de communication fait des miracles dans les équipes qui doivent coopérer, y compris dans les phases de crise. Car dans ces contextes, a-t-on toujours le temps d’écouter les autres, et surtout, à quoi cela peut-il servir, quand les moyens et objectifs sont bien déterminés ? L’écoute active peut d’emblée soulever des réserves : risque-t-elle de véhiculer des remises en question et autres plaintes, émanant de collaborateurs qui ont du mal à se motiver ? Pas vraiment – et même au contraire, si l’on en croit Carl Rogers : « L’écoute active est à la fois une technique et une attitude qui permet de considérer l’autre, de le prendre en compte. Ecouter n‘a rien à voir avec le fait d’être d’accord avec ce que dit l’autre, c’est recevoir ce qu’il dit ou manifeste, dans l’intention de comprendre sa pensée. »
Pourquoi écouter les autres ?
Dès lors, écouter « vraiment » présente de nombreux atouts : pour soi, pour les autres et pour les objectifs ou projets que l’on poursuit ensemble. L’écoute active permet de prendre de l’information, d’apprendre, de comprendre, et parfois de déminer – notamment les conflits ou malentendus dus à des erreurs de communication. En ce moment, ces interférences ne sont pas rares, surtout si on ajoute l’irritabilité et la susceptibilité exacerbées par cette période ô combien frustrante ! On n’imagine pas le nombre d’idées, ni d’améliorations, qui sont nées de la confrontation de points de vue originaux ou différents ! De même qu’un manager n’a pas toujours conscience des non-dits ou décisions sujettes à interprétation qu’une communication trop rapide ou elliptique peut créer – avec leurs conséquences sur l’efficacité du travail.
5 étapes pour écouter efficacement
Tout le monde n’a pas une capacité innée à l’écoute. Mais il est toujours possible de la travailler – et surtout, il ne s’agit pas d’écouter « n’importe comment », car entendre et écouter sont deux notions différentes.
Au travail, voici donc quelques clefs à utiliser :
- Créer une ambiance propice à l’écoute, dans laquelle les collaborateurs savent qu’ils ont le droit de s’exprimer, sans risques de critique ou sanction, en toute confiance. Parfois, ça va mieux en le disant. Garder sa porte ouverte, avoir des moments en plus petits comités, créer de la convivialité favorisent cette confiance.
- Donner de la valeur à la parole, en établissant comme postulat de base que la personne qui s’exprime est crue. Je pense souvent à ces victimes de violences familiales ou de viols, auxquelles on commence toujours par dire : « Je te crois ». L’accueil, la bienveillance et le non-jugement sont de mise. Cela suppose parfois de dépasser ses a-priori sur certains sujets.
- Adopter une posture d’écoute : écouter en ne faisant que cela (et non d’une oreille distraite, avec un œil sur la dernière courbe des ventes). Cela permet à l’autre de se sentir accueilli – et potentiellement entendu. A ce titre, le fait de capter le regard de l’interlocuteur peut être important – sous réserve, selon la personnalité de chacun, que cela ne crée pas une gêne. Écouter nécessite parfois de faire taire son impatience. On est parfois taraudé par l’envie que cela finisse vite, ou la tentation de répliquer à chaque phrase. Vous bouillez d’impatience ? Respirez !
- Décoder le langage corporel. Tout propos est accompagné de mimiques, expressions, gestuelle – sans parler du ton de la voix. Ce langage non-verbal reflète les intentions inconscientes – qui peuvent être en décalage avec le message. Observer, capter et comprendre ces filtres émotionnels aide à les désamorcer. Une écoute fine permet d’entendre « le message derrière le message ». Un collaborateur ou un collègue qui soupire, râle – ou au contraire se met en retrait – vit certainement une période d’inconfort, dans laquelle le besoin de reconnaissance est souvent en souffrance.
- Clarifier le message. Le manager – ou un autre collaborateur, qui peut être un collègue – peut amener celui qui s’exprime à préciser sa pensée. Non pas en lui imposant sa façon de voir les choses, ni en minimisant ses propos, mais en posant des questions ou en l’amenant à reformuler. Questionner amène à réfléchir, à expliquer, à comprendre, au plus près de la réalité. La reformulation, quant à elle, fixe un message commun et compris par les deux interlocuteurs.
Parfois, il peut être nécessaire d’apporter des compléments ou des explications pour éclairer le propos – mais sans se justifier. La sincérité est importante, mais parfois la réalité s’impose et il faut composer avec. Une décision peut ne pas être approuvée par tous, en revanche elle devra forcément s’appliquer. Dans cette optique, il faut accompagner le collaborateur vers la forme d’acceptation qui lui correspond le mieux. Cette ultime étape permet de rétablir la communication, même dans un contexte contraint.
L’écoute active devient alors un outil puissant de motivation et participe à fédérer des équipes sur des projets communs, même quand ils ne sont pas toujours entièrement partagés.