Chère Fabuleuse, te souviens-tu du rituel du dernier jour au collège, où tu consacrais une récréation entière à collecter les adresses postales de manière à envoyer à chacun une ‘tite carte ? Moment magique, où tu osais ENFIN adresser la parole au beau Florian, l’air de rien, en lui disant « bah et puisque tu es là, tu n’as qu’à me la donner aussi, ton adresse, on verra bien si je t’écris ». Voilà pour les amitiés d’école qui se poursuivaient en vacances.
Quand je vois mon fils envoyer des lignes entières de smileys sur Teams, je me dis qu’on assiste-là à une forme de survivance de l’esprit carte postale, sans verbe, sans adjectifs, sans mot… mais c’est du lien quand même et quand il arrivera en quatrième, l’été aura été nourri de ces contacts légers, pas très consistants à nos yeux de parents, mais qui détermineront une proximité un peu plus grande qu’avec les autres camarades avec qui rien n’aura été dit (ou plutôt « smilé »).
Et puis il y a les amis de vacances.
Ceux que ton enfant se fait au Club Mickey, ceux qu’il ne voit qu’en vacances (au hasard : les enfants de tes amis à toi), ceux qui sont vaguement des cousins, ceux qu’il ne reverra jamais. Et toi, tu assistes au développement de ces drôles de liens entre ton tout petit (qu’il ait 2 ou 22 ans), en te disant qu’il ou elle a quand même de chouettes compétences sociales.
À deux ans, tu l’observes s’affirmer dans le bac à sable face à cette chipie de Marie-Loana qui cherche à lui piquer son seau.
Intérieurement, tu l’encourages : « Allez, te laisse pas faire mon loup, donne-lui un petit coup de râteau sur l’orteil si nécessaire, ça ne fait pas de traces ! » Puis tu lances en direction de la maman de Marie-Loana un sourire mielleux, comme si tu t’attendrissais de les voir jouer ensemble. Sache qu’elle n’est pas dupe, parce qu’elle-même encourage intérieurement sa fille à se faire respecter, nom d’un chien : « Arrache-lui son seau d’un coup sec ! S’il pleure, je ferai semblant de chercher une abeille. Je te couvre ma chérie ! »
C’est la rentrée des classes ! Sa première… et tu n’es pas au top de ta forme.
Gredin te regarde, un peu apeuré, et après avoir salué la maîtresse, tu entres avec lui dans la classe. Dans le coin des Kapla, tu repères un petit groupe d’enfants dont les parents sont déjà partis. Tu te diriges vers eux, la petite main moite de Gredin dans la tienne. « Bonjour, je vous présente Gredin, ça vous dirait de jouer avec lui ? ». Réponse des deux ou trois plus assurés du groupe : « Oh, bof. ». Ton cœur de maman saigne et Gredin a la lèvre qui tremble. Tout à coup, une petite voix s’élève et un enfant se détache : « Moi, je veux bien. Je m’appelle Jean-Zébulon. On va plutôt dans le coin des voitures ? » Gredin sourit et te lâche la main sans même un regard. Soulagement intense et gratitude infinie pour Jean-Zébulon, qui a su accueillir ton bonhomme et t’a permis de quitter la classe de petite section, le cœur léger.
À six ans, ton petit Gredin a développé des affinités qui t’échappent complètement.
Il a un succès fou parmi les grands de CE2 qui l’invitent à leur anniversaire, il fait des dessins pour Zoé, sa meilleure amie (c’est l’ASMAT de petite section), et tu le retrouves régulièrement dehors à tailler le bout de gras dans le jardin de la copropriété avec Madame Zulma qui fait peur à tout le monde, sauf à lui. Il n’a aucune barrière, s’entend bien avec tout le monde. On le trouve charmant, facile, liant, et toi tu te demandes un peu de qui il tient toutes ces qualités. On dirait un soleil.
Gredin a huit ans, tu désespères. Mais pourquoi ton enfant n’accroche-t-il pas avec les enfants de ta BFF ?
OK, ils sont un peu… Mais au moins, ils disent « merci » et « bonjour » et tu n’as pas besoin de te couper les cheveux en quatre pour organiser des rencontres. Il suffit que tu décroches ton téléphone et que tu annonces : « Salut, ma cocotte, il y a de la place dans la baraque de Saint-Trouspette ? On peut venir passer deux-trois jours chez […]