Les racines, l’écorce, la sève, et ce balancement de ramure, hésitation d’éventail… Un monde que les arbres. A l’approche de l’été, comment ne pas rêver de se débarrasser de ses propres tourments ? Non de tout effacer – « du passé faisons table rase », dit la chanson – mais d’améliorer ses propres sensations, de se laisser porter par une vague positive, enfin de prendre la vie du bon côté.
Enlacer les arbres
Depuis quelques années, la sylvothérapie suscite un certain engouement. Bien sûr, voir des femmes et des hommes enlacer des troncs d’arbres peut faire sourire. Mais pratiquée de façon rigoureuse et néanmoins ludique, une telle démarche apporte beaucoup. Sylvothérapeute, Corine Moriou, décrit le séjour qu’elle anime en Ardèche le mois prochain.
« Je ne suis pas un gourou, juste une professeure de yoga formée à la Fédération Française de Hatha Yoga, ayant depuis longtemps une connexion les arbres, nous confie Corine Moriou. Il y a trente ans, par l’intermédiaire d’une sophrologue, j’ai découvert les bienfaits que peut susciter le contact avec ces « êtres de chlorophylle ». Pratiquer le yoga dans la nature crée des sensations différentes, plus intenses. » Dans une civilisation de citadins, les arbres deviennent des éléments décoratifs, au point de perdre leur raison d’être. La sylvothérapie présente l’avantage de nous rappeler des éléments essentiels de notre environnement.
Pour Corine Moriou, c’est tout un univers qu’il nous faut réapprendre à voir, toucher, comprendre : « Le Yoga, par définition, amène à mieux se connecter à notre nature profonde. La posture de l’arbre, dite « Vrikshana » en sanskrit, qui consiste à se tenir debout sur une jambe, mains jointes et bras levés au-dessus de la tête, comme en prière, est l’une des plus populaires. Est-ce un hasard ? Evidemment non, car elle nous permet de vivre pleinement notre verticalité, entre le ciel et la terre, comme si chacun d’entre nous était un arbre. Adopter cette posture au milieu d’une forêt, d’un parc face à un arbre, nous donne une force et une confiance bien supérieures à la même expérience face au mur d’une salle de yoga. »
Un temps suspendu
Les personnes qui suivent cette retraite éprouvent le besoin de profiter d’un rythme lent, d’avoir des moments d’introspection. Elles ont le désir de donner du sens à leurs vacances, ou pour mieux dire de « vivre la vacance ». Mais si quelques habitués s’inscrivent chaque année, la sylvothérapie en lien avec le yoga suscite aussi la curiosité des débutants. Aussi bien Corine Moriou veille-t-elle à adapter le programme à l’énergie de chacun.
La sixième édition de sa Retraite du 23 au 28 juillet se déroulera dans une forêt privée, située en Ardèche du sud : le domaine du Taillé – qui tient de l’ashram et de la boutique-hôtel. Du dimanche soir au vendredi après-midi, le programme sera aussi rigoureux que souple. Rendez-vous le matin, à sept heures et demi au bord d’une source d’eau pour des exercices respiratoires et une séance de méditation, avant le petit-déjeuner. De 10 h à midi : cours de hatha ou yin yoga sous un dôme en toile avec vue sur les monts d’Ardèche. Après le déjeuner sous une tonnelle, quartier libre jusqu’à 17 h. Puis balade dans la forêt avec des exercices de sylvothérapie. Certains jours, les participants se baigneront dans une rivière…
Et la foi dans tout ça ?
Les questions religieuses n’ont pas de place dans cette aventure. « Je reçois des gens qui ont la foi, d’autres pas, note Corine Moriou. La relation particulière que nous établissions chaque jour avec les arbres, prédispose à une ouverture du cœur. Avec délicatesse, on peut montrer un chemin, non vers un ashram indien, mais vers une église intérieure. »
Sollicité par nos soins, le pasteur James Woody considère que la pratique du yoga dans la nature peut être extrêmement positive dans la mesure où elle permet à chacun de retrouver une place dans son environnement, lequel est, en quelque sorte, une seconde peau : « je suis convaincu que mettre une personne qui souffre en contact avec un arbre va lui faire du bien. A condition de ne pas entrer dans l’illusion que cette relation va remplacer la relation qu’il ou elle pourra connaître, nourrir et développer avec d’autres êtres humains. Prendre soin de soi, de ce qui nous entoure est très important ; transformer la nature en divinité n’a plus grand-chose à voir avec le christianisme, pour qui l’individu, objet de la bienveillance divine, n’a pas pour vocation de se fondre dans un grand Tout ».
En écoutant Corine Moriou, qui ne demande à personne de se fondre dans la nature, on pense à ce qu’observe Alain Corbin dans son livre « La douceur de l’ombre », (Fayard 349 p. 23 €) : « Se tenir au pied de l’arbre, l’observer, impose de faire silence, oblige à penser à ce qui oppose l’éphémère et le durable, à se confronter à une temporalité qui n’est pas celle de l’homme. » Une respiration.
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