On dit souvent que les parents mettent la pression à leurs enfants pour qu’ils réussissent. C’est sans doute vrai, mais force est de constater que beaucoup de jeunes sont capables de se mettre cette pression eux-mêmes. Faire des études, être évalué, passer des examens, présenter un oral sont forcément des épreuves anxiogènes. Les appréhender paraît assez naturel. L’anxiété de performance est bien plus forte que ce stress courant. Il s’agit d’un état plus profond, insidieux, qui s’installe parfois dès le collège, augmente au cours des années lycée, et peut devenir envahissant, voire paralysant, dès l’entrée dans les études supérieures.

L’anxiété de performance se ressent bien avant les examens, dès les révisions, lors des cours, parfois même à la simple évocation d’une échéance à venir. Elle s’exprime par une peur intense de l’échec, du jugement, de la déception  – celle que l’on pourrait provoquer chez les autres, mais surtout celle que l’on s’infligerait à soi-même. Il ne s’agit pas seulement de vouloir faire bien. Le jeune qui en est victime s’impose l’impératif de réussir, coûte que coûte, quitte à en oublier le plaisir d’apprendre, voire sa santé.

Quand le cerveau se met en mode panique

Face à cette pression auto-infligée, mais qui peut être parfois aussi amplifiée par les attentes familiales ou celles des professeurs (le fameux « peut mieux faire »), le cerveau entre dans un mode d’hypervigilance. Le système nerveux sympathique s’active – la partie qui gère les réactions liées au danger – ce qui entraîne une cascade de symptômes désagréables : accélération du rythme cardiaque, tensions musculaires, respiration courte, transpiration, mais aussi brouillard cognitif. L’élève ou l’étudiant a alors une sensation de « tête vide », assortie d’une incapacité à réfléchir. Sous l’effet de la panique, ce sont toutes les capacités cognitives d’attention, de mémorisation et de restitution qui se trouvent impactées.

Ainsi, un lycéen qui connaît parfaitement sa leçon, chez lui dans un environnement calme, peut tout à coup perdre tous ses moyens devant sa copie, au milieu d’une salle où des dizaines d’autres candidats l’entourent. Au moment d’être évalué, les mots lui échappent, les idées se mélangent, l’angoisse monte… C’est une des conséquences les plus injustes de l’anxiété de performance : le jeune a parfaitement révisé mais le cerveau, sous l’effet d’un stress intense, n’est plus en capacité de mobiliser les bonnes informations au bon moment.

Cette forme d’anxiété peut apparaître très en amont : elle provoque également des troubles de la concentration dans les phases de révision. L’esprit se focalise sur des pensées parasites qui se télescopent à toute vitesse et interrogent l’échec, la réussite, l’estime de soi ou la comparaison aux autres…  Cette tension attentionnelle nuit à la qualité du travail, qui devient moins efficace. Les révisions s’étirent dans le temps sans gain réel, et la fatigue mentale s’installe.

Un cercle vicieux se crée alors : plus on s’épuise à vouloir tout contrôler, plus on perd ses moyens, et plus la peur de l’échec grandit.

L’estime de soi sous pression

À long terme, l’anxiété de performance peut entamer la confiance en soi. Chaque difficulté rencontrée, chaque note perçue comme « insuffisante », devient une preuve accablante de son incompétence. L’élève ou l’étudiant ne s’autorise plus le droit à l’erreur, il vit chaque déception quant à ses résultats comme une frustration, une injustice et un échec personnel, et finit par se définir uniquement à travers ses résultats scolaires – ses uniques centres de préoccupation. Ceci peut mener à un désengagement progressif, voire à des troubles plus sérieux comme le trouble panique, la dépression ou le burn-out étudiant.

Il ne faut pas sous-estimer l’impact de cette pression sur la santé mentale des jeunes. Derrière des visages de façade, beaucoup luttent intérieurement, persuadés qu’ils sont les seuls à ressentir cette peur constante. Pourtant, selon une étude menée par l’université de Bordeaux, 41% des étudiants présentaient en 2023 des symptômes dépressifs modérés à sévères, contre 26% avant la crise sanitaire. Pour s’en sortir, certains redoublent d’efforts, au point de sacrifier leur sommeil, leurs loisirs, leur équilibre de vie.

Et parfois, à bout de force ou par renoncement face à ce qu’ils pensent insurmontable, certains étudiants développent des stratégies d’évitement : retarder les révisions, abandonner une option ou faire l’impasse sur une matière, ou ne pas se présenter à un examen.

Apprendre à performer sans couler

Heureusement, il est possible d’agir. On peut faire face à l’anxiété de performance, sans forcément renoncer à ses ambitions, ni se contenter du minimum. Ce qui peut être salutaire, c’est d’apprendre à se recentrer sur ses ressources, pour sortir du « mode panique » et  retrouver un rapport et un fonctionnement plus sereins à l’apprentissage.

La première étape consiste à considérer cette anxiété pour ce qu’elle est : un message, le signal d’alerte que quelque chose dysfonctionne dans la manière dont on aborde les enjeux scolaires. Le sur-stress peut s’apprivoiser. Des techniques basées sur la relaxation, la respiration et le retour à l’instant présent (sophrologie, cohérence cardiaque, méditation de pleine conscience…) peuvent contribuer à réguler les tensions physiques, calmer le mental et réinstaller un état de clarté avant un examen.

Il est aussi essentiel de travailler sur sa petite voix intérieure. Car les croyances finissent par devenir des convictions. Se répéter sans cesse que l’on n’est « pas à la hauteur »  tient de l’auto-sabotage. En revanche, cultiver un dialogue interne plus bienveillant, s’autoriser à progresser par étapes, aborder les erreurs comme des expériences et valoriser chaque succès permet de reconstituer une estime de soi plus solide. Ces phrases, simples mais puissantes, peuvent devenir des mantras : « Je fais de mon mieux », « Une note ne me définit pas », « Je progresse chaque jour », « J’ai conscience de ma valeur »…

Enfin, un jeune au cours de ses études, aussi exigeantes soient-elles, doit s’aménager des temps de pauses et de récupération, s’autoriser des activités-plaisir, sans culpabiliser.

Le cerveau a impérativement besoin de repos pour mieux apprendre. La performance ne se construit pas dans la tension permanente, mais dans l’alternance entre phases d’efforts et de récupération.

Un étudiant qui sait s’arrêter, qui dort suffisamment, qui nourrit sa vie sociale et émotionnelle, sera toujours plus performant à long terme qu’un autre qui révise jour et nuit, dans la peur de mal faire.

L’entourage en renfort

Quid des parents ? Le soutien familial et amical joue également un rôle important. Être entouré de proches compréhensifs, qui valorisent l’effort et les qualités humaines, plutôt qu’un idéal de perfection, peut faire une vraie différence. Concrètement, les phrases d’encouragement, les compliments sincères et les prises de conscience qui viennent de l’entourage sont des carburants pour la motivation.

Un élève ou un étudiant qui semble « donner le change » doit également savoir qu’il peut à tout moment parler de ses difficultés sans tabou ni jugement : à un professeur, un conseiller d’éducation, un psychologue, ou même à un de ses proches en qui il a confiance. La parole soulage, elle rompt l’isolement et la culpabilité qui en découle – elle peut aussi permettre de mettre au jour une souffrance intériorisée.

L’anxiété de performance est un état qui se comprend, se travaille, se transforme. À chacun de trouver sa stratégie pour doser performance, équilibre et confiance.

Pour aller plus loin :

  • Fil santé jeunes : 0800 235 236 – 7j/7 – 9h 23h
  • NightLine : association de soutien à la santé mentale des étudiants) : 01 88 32 12 32 – tél ou chat de 21h à 2h30
  • 3114 : numéro national de prévention du suicide
  • epsykoi.com : site sur la santé mentale des jeunes
  • cartosantejeunes.org : annuaire des lieux d’écoute anonymes et gratuits