« J’étais assise à côté de mon père à regarder le cerisier. Tu sais, ça sentait le matin, la rosée et l’herbe mouillée. On était bien là, tous les deux, en silence. Tout d’un coup, un bruit de truelle s’est dégagé de la rue joyeusement. Papa était maçon, alors j’ai tout de suite réagi : « Écoute, Papa ! »
Quand il a froncé les sourcils, j’ai compris qu’il ne reconnaissait ni le bruit, ni le rythme de ce geste qui l’avait tant prolongé. Je me suis levée pour vérifier. Dans la rue, j’ai observé un homme qui maniait avec fermeté le manche en bois d’une truelle.
Ça m’a brisé le cœur.
C’est vrai que Papa devient un peu sourd, mais maintenant, c’est sa mémoire qui lui joue des tours, qui l’éloigne doucement de la réalité. Je me suis sentie pleine de tendresse envers lui et j’ai pensé que nos rôles allaient s’inverser. Il fallait désormais que je m’en occupe. […]