En ce 31 octobre 2017, j’étais penchée sur le plan de métro de la station Solférino, à chercher la bonne sortie, quand un petit groupe m’accosta : « Vous cherchez l’église de Pentemont ? ». Mais oui, bien sûr ! Et nous voilà partis de concert en devisant à travers les rues du 7e arrondissement de Paris. Sans nous connaître, la joie de savoir où nous allions ensemble nous réunissait déjà. Et devant nous, d’autres se hâtaient. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ces petites routes cévenoles où, chaque premier dimanche de septembre, les voitures s’agglutinent au fil des virages vers le village du Mialet, pour se retrouver sur ces pentes escarpées et voir leurs occupants se réunir en groupes serrés sous les chênes centenaires. Le Woodstock cévenol : un moment qui donne le frisson !
Bref, en ce 31 octobre, 500 ans « pile poil » après le geste de Luther, j’étais d’autant plus heureuse d’aller au culte régional de la Réformation que je devais y rejoindre ma fille aînée – étudiante à Aix le reste de l’année. Déçues de n’avoir pas pu nous rendre à Strasbourg avec nos coreligionnaires, nous nous étions donné rendez-vous à Pentemont pour célébrer ensemble. Des retrouvailles mère-fille au milieu d’un temple, rien de plus normal ! Car si le protestantisme est de tradition dans ma famille, sa transmission n’a pas toujours été aisée et pouvoir se réunir en de telles occasions reste pour nous des temps forts.
Malgré la pompe de ce bel édifice, son orgue imposant, chacun s’installa bien vite en une assemblée chaleureuse. « Vivre la fraternité », voilà bien un thème rassembleur pour nous qui sommes si souvent accusés d’individualisme. Mais disons-le tout net, le libre arbitre du protestant, son indépendance et sa réserve quasi naturelle – que d’aucuns taxent d’austérité – ne l’empêchent pas de partager avec ses frères et sœurs !
Déjà en mai de l’an passé, à l’occasion d’un week-end biblique, Laurent Schlumberger rappelait l’importance de lire la Bible ensemble. Lire la Bible seul, oui, bien évidemment – un peu comme une seconde nature. Mais la lire ensemble, la commenter, la remodeler, quelle différence ! Nous l’avions d’ailleurs traduite de toutes les façons possibles : poèmes, lettre, dessins, modelage, photographie, art floral… Un week-end jubilatoire !
Prier ensemble, c’est entendre la même Parole et la recevoir chacun pour soi. C’est se recueillir et s’ouvrir en même temps. Tout comme chanter nous fait vibrer d’une même voix, prier fait résonner la Parole en nous et entre nous, dans tous les sens du terme. Bien que je ne goûte pas trop les effusions démonstratives, j’apprécie ces moments où la fraternité nous relie simplement. Il y eut ce beau moment où nous avons récité le Notre Père en cercle, main dans la main de son voisin – un inconnu jusqu’alors. Un Notre Père qui vibra de mains en mains.
Si je mets à part le fait que mon adorable enfant est arrivée en retard – et en plein milieu de la prédication de l’Inspecteur luthérien – nous avons eu cette sensation de vivre et partager le même moment – comme un instant suspendu. Nous en avons parlé toute la soirée – et même après. Nous nous étions « retrouvées ».
Si la prière est spontanée, souvent solitaire en un face-à-face revendiqué aves le Très-Haut, la prière partagée nous fait entrer encore dans une autre dimension. Et surtout, l’une n’empêche pas l’autre…
Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.
Matthieu, 18 : 20