Dans la vie de notre famille, la cuisine est sans doute la pièce où nous avons pris les plus grandes décisions : déménagements, changements familiaux, projets de vacances ou petits secrets de couple… Sorte de « salle de réunion » familiale, elle s’offre comme une pièce chaude, chaleureuse, maternante, mais aussi « à part », dans laquelle on peut se retirer ou chuchoter, parfois à l’abri des oreilles des enfants. Et quand on va déjeuner chez ses parents – ou dîner chez des amis – c’est bien dans les coulisses de la cuisine que les confidences et autres apartés se murmurent.

Mais la cuisine est surtout l’endroit où l’on « fait à manger ». Et depuis sept mois, on voit combien ce retour à la nourriture, à la subsistance presque, nous est redevenu indispensable, nécessaire, vital. La recherche d’un équilibre alimentaire (j’ai le temps de faire la cuisine) n’en est pas la seule raison. Certes, l’accumulation des paquets de pâtes rassure notre besoin de sécurité, mais l’achat massif de farine révèle aussi notre envie de nous faire du bien – et de faire plaisir aux autres.

La cuisine, ça se partage en famille. Nous avons tous des souvenirs d’enfance de recettes élaborées avec nos mères, grands-mères ou tantes (ou père, peut-être ?) – avec cette fierté à peine feinte d’être arrivé à un résultat convaincant. Et ça se transmet. Nombre de cuisiniers (y compris professionnels) ont appris en regardant leur mère : les gestes, le choix des produits, le tour de main… Et ce mimétisme se transmet du marché jusqu’à la table : savoir choisir un melon, apprécier la fraîcheur d’un poisson rien qu’en le regardant dans les yeux – ou le persillé d’une entrecôte, évaluer d’un coup de pouce l’affinage d’un fromage, avoir la rapidité de poignet nécessaire pour monter une mayonnaise, ou le bon goût pour dresser le couvert dans les règles de l’art… Que d’affection dans ces petites attentions-là.

La générosité en héritage

Car, la cuisine reflète aussi ce que nous sommes, elle dit quelque chose de notre identité : de nos goûts – cette « éducation du palais » – mais aussi nos traditions. L’accueil de l’autre y tient une place importante. Toutes les cultures transmettent leurs recettes, en particulier en exil – ou plus simplement « loin de chez soi ». Que ceux qui aiment la flamenkuche, l’aligot, le kouign-amann ou le couscous de leur mère lèvent le doigt ! Je ne suis pas peu fière d’avoir voyagé et trouvé quasiment partout dans le monde une « quiche lorraine » à la carte de nombre de restaurants, même si je doute que la recette en soit tout à fait orthodoxe !

La cuisine parle de générosité, mais aussi d’inventivité. Elle mobilise notre imagination et notre créativité – nous faisant sans doute oublier le reste. Que faire avec ce reste de viande ? Avec quoi agrémenter ces haricots frais ? Quelle sauce avec ces spaghetti ? Comment satisfaire mon envie de réconfort ? Et qu’est-ce qu’on pourrait bien manger ce soir ?

Cuisiner est sans doute la meilleure méthode de lâcher-prise que je connaisse (et pourtant, j’en ai testé quelques-unes !). Pendant le premier confinement, elle a aidé beaucoup de personnes à passer le temps, et à tenir bon, tout en donnant du plaisir autour d’eux. Les grands chefs ont rivalisé d’imagination pour proposer des recettes familiales et accessibles, sur YouTube, Instagram ou Facebook. Souvent en revenant à plus de naturel, et plus de gourmandise avec des recettes traditionnelles, pour ne pas dire régressives.

A nous les cakes gourmands, les tartes fumantes, les soupes bien chaudes, les plats ultra-traditionnels (blanquette, bœuf bourguignon, gigot, gratin, risotto, tomates farcies…). Un véritable tour de force, qui a eu des milliers d’adeptes !

De la trois fois étoilée Anne-Sophie Pic, en passant par Hélène Darroze (qui cuisine avec et pour ses filles), ou le sympathique Cyril Lignac, jusqu’au très sexy Juan Arbelaez qui officie avec (et pour) son amoureuse, l’ex-Miss France Laury Thilleman… Les pâtissiers ne sont pas en reste : Christophe Michalak, comme Christophe Felder nous ont régalés ! Et ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Bon, on peut le confier aussi, on a pris quelques kilos, mais la cuisine est une des rares activités qui offre trois niveaux de plaisir : pour la faire, la déguster et la partager.

Cuisiner avec ce que l’on a, improviser, c’est une des règles de ce que l’on nomme la cuisine du placard. Astucieuse, minimaliste mais savoureuse – et surtout sans prise de tête. On s’y remet ?

On en parle en tout cas mardi 10 novembre à 18h sur Fréquence protestante, dans Inspirations positives. Je recevrai Nicolas Bergereault, qui est d’abord un chef…d’entreprise – co-fondateur de l’Atelier des chefs. Pendant le confinement, il a cuisiné (et filmé sur Facebook) ses idées-recettes, bricolées mais savoureuses. Des plats généreux, exécutés en famille et dégustés par 8 personnes ! Il publie un livre qui sera en librairie le 16 novembre (réservez-le en clique-et-collecte dès maintenant auprès de votre librairie préféré !) : La cuisine du placard – recettes de confinement, aux éditions Brigitte Eveno.

A écouter sur Fréquence protestante (ou à ré-écouter en podcast).