Un chemin caillouteux, un soleil éblouissant, une légère brise. Recouvert de bruyère aux teintes rosées, le mont Lozère s’élève à 1699 mètres d’altitude. Il est le point culminant des Cévennes, et constitue une des journées les plus fatigantes de ce voyage. Une des plus belles aussi. La montée est éreintante. À chaque pas, le paysage se révèle un peu plus. Et en haut, il coupe le souffle. Le massif des Cévennes s’étend à nos pieds. Des forêts et des montagnes à perte de vue. Mais simplement gravir cette montagne ne suffit pas : il faut une semaine pour atteindre le mont Lozère, deux pour finir le Chemin de Stevenson. Un véritable périple. Et elle est là la vraie richesse, la découverte incroyable.

Cette randonnée suit le tracé d’un voyage réalisé par l’écrivain Robert Louis Stevenson en 1878. Il a raconté son périple dans le livre Voyage avec un âne dans les Cévennes. Aujourd’hui, le GR 70 reprend son parcours, mais deux lettres et deux chiffres cachent une réalité tout autre, faite de lenteur, de bruissements d’arbres, de pas dans les cailloux et (re)découverte de soi.

Coupé du temps

Le chemin débute au Puy-en-Velay. Deux semaines après, l’arrivée : Alès. Deux semaines qui passent très vite, mais pendant lesquelles tout est lent. Chaque pas se noie dans des milliers d’autres, et pourtant, chaque pas est une victoire. Chaque pas rapproche de l’objectif, mais quel objectif ? Comme dirait Stevenson dans son livre « Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour voyager ; je voyage pour le plaisir du voyage ».

Marcher comme cela pendant des jours et des jours, c’est retrouver l’essentiel. C’est être coupé du temps, coupé du monde, et réapprendre à savourer les petites choses de la vie. Rencontrer des gens, discuter avec un fermier local est une richesse, avoir à boire et à manger est une chance. En fait, faire une randonnée comme ça permet de revenir aux bases, de se détacher de son confort : se ravitailler en eau, trouver un village pour acheter de quoi manger, décider où dormir deviennent les seules préoccupations. Tout est lent. Un randonneur vit au ralenti, prend le temps de profiter de ce qu’il a sous les yeux, sous les pieds.

Spiritualité

Randonner se révèle être une forme de méditation. Retrouver la nature, écouter son corps, se vider la tête donnent à la marche itinérante ce caractère si particulier, si intime. Elle permet de réapprendre à se connaître et à s’écouter, mais aussi à écouter les autres. Le groupe avance ensemble, selon les capacités de chacun ; le marcheur seul en croise d’autres, et échange avec eux.
Les kilomètres donnent naissance à de longues discussions, à des rencontres. Chacun revient grandi. C’est une épopée personnelle, spirituelle. On renoue aussi avec l’histoire protestante : terres du Désert, les Cévennes ont servi de refuge aux protestants persécutés et aux camisards. Et les lieux sont en effet déserts : ces deux semaines permettent de s’éloigner un peu des villes surpeuplées et de prendre un grand bol d’air. Des paysages sauvages, des vallées encaissées, des rivières d’eau claire, la bruyère et un berger, qu’on croise. Renouer avec la nature permet de souffler un bon coup, d’évacuer la tension. Et toujours qui domine, le mont Lozère guide le chemin, et la bruyère met de la couleur dans nos pas.