La nature est un lieu de ressourcement mais aussi de retraite idéal. Pour quelques heures ou quelques jours, on peut s’y retirer pour prendre de la distance, se déconnecter et baigner dans des sensations oubliées, loin de nos stimuli habituels.
Car, que l’on habite une grande ville où une petite commune, le bruit est partout. Le CidB (centre d’information sur le bruit), une association reconnue d’utilité publique dresse depuis 1978 un bilan sur l’exposition au bruit. Ses effets sur la santé sont désormais bien connus : perte de l’audition, acouphènes ou hyperacousie, troubles du sommeil, nervosité mais aussi stress chronique. Si, en ville, les transports routiers et les bruits du voisinage sont les plus en cause, la nature offre, encore plus en vacances, l’occasion de déconnecter de ces agressions désagréables, dont la perception et la gêne se sont accentuées pendant et après la crise sanitaire.
Car le silence, lui, n’a que des atouts : il apaise, réapprend la lenteur, permet de se reconnecter à soi, développe la créativité et l’imagination, aurait un effet préventif sur les maladies neuro-dégénératives et nous met en communion avec l’environnement – sans parler de la sécrétion d’endorphines au contact de la beauté des lieux.
Comment pratiquer ?
Aucun accessoire n’est utile, bien au contraire, et il vous suffit de vous poser dans la nature sans autre intention que d’être présent – et sans parler, que vous soyez accompagné ou seul. Assis sur un rocher, au bord d’un lac, sur une souche, sur le sable, adossé à un arbre ou contre un piton rocheux, peu importe…
La méditation de pleine conscience paraît tout indiquée pour vivre un moment dans la qualité de l’attention. Dès lors que vous vous arrêtez et que vous prêtez l’oreille, vous allez forcément observer que la nature, elle aussi, est parcourue de petits bruits – mais tellement plus légers ou délicats. Car le silence n’est pas forcément une absence de bruit. D’ailleurs, la pratique de certaines respirations conscientes peut suffire, en particulier quand on se cale simplement sur le bruit de son propre souffle, pendant quelques instants.
Certains lieux se prêtent davantage à l’exercice, comme le cloître ou le jardin d’une abbaye qui est déjà un lieu de silence en soi, propice à une retraite spirituelle plus longue.
A ce titre, le film Le Grand Silence, sorti au cinéma en 2005 retrace au fil des changements de saison la vie des moines du monastère de la Grande Chartreuse. Un visionnage en lui-même incroyable puisque ce documentaire de 2h40 ne comporte aucun dialogue ni explication, mais uniquement les sons du quotidien des moines dans leur environnement naturel.
Pour se donner des idées, une ONG américaine recense les Quiets parks, les ultimes lieux de total silence en pleine nature (préservés de toute pollution sonore urbaine), qui ne seraient qu’au nombre de 260 dans le monde entier – et seulement deux en France, dans les Cévennes et les Pyrénées…
Devant l’engouement des tiny houses (ces maisons minuscules qui ne contiennent que l’essentiel), des lieux de week-ends en pleine forêt proposent désormais des séjours en toute déconnection, pour s’isoler et contempler la nature. Des propositions écoresponsables que l’on peut trouver sur des sites comme Parcel, Bucoli ou Maison Nature…
L’exercice à essayer : écouter le silence
Vous vous souvenez de ce titre de Depeche Mode, Enjoy the silence ? Faites pareil !
Quel que soit le lieu où vous êtes assis, tendez l’oreille pour capter les bruits environnants. Soyez juste dans l’attention, avec quelques variantes, accueillez ce qui se présente. Si votre mental cherche trop à réinstaller une conversation intérieure, affinez vos perceptions :
- Isolez plus précisément certains bruits : les pépiements des oiseaux, le ressac…,
- Faites une « chasse aux bruits » mentale : tentez d’identifier le bruit le plus éloigné, puis de plus en plus proche,
- Calez-vous uniquement sur le bruit de votre souffle, vous l’écoutez comme une musique intérieure, en lui donnant un tempo plus lent…
Un peu de lecture
Dans votre lieu de silence ou de retraite, quoi de mieux que de lire les écrivains qui ont eux aussi vécu cette ascèse – ou les experts du retour au silence ?
- Walden ou la vie dans les bois, de Henry-David Thoreau.
A la fin du XIXème siècle, l’écrivain-naturaliste américain relate deux ans de sa vie dans une cabane au bord du lac de Walden, dans une simplicité voulue, a contre-courant d’une société consumériste qui émerge déjà. Un ouvrage-phare de la démarche ascétique en pleine nature.
- Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson (Gallimard, 2011).
L’écrivain-voyageur-explorateur français rend hommage au précédent en passant six mois dans une cabane au bord du lac Baïkal.
- Into the wild, de John Krakauer (Presse de la Cité, 2013).
Le récit de la vie retirée – et de la fin tragique – de Christopher, jeune étudiant idéaliste américain qui trouve refuge dans un bus et le dénuement le plus total au cœur des forêts d’Alaska.
- Cinq méditations sur la beauté, de François Cheng (Albin Michel, nouvelle édition 2017).
Un essai brillant et poétique de l’académicien franco-chinois qui est aussi une ode à la contemplation. Quand un Immortel rencontre l’Immuable.
- Ecoute l’arbre et la feuille, de David G. Haskell (Flammarion, 2017).
L’auteur est naturaliste et habitué à observer mais surtout écouter les arbres ; il nous entraîne sur la piste d’espèces d’arbres issus d’une sagesse millénaire.
- Cerveau et silence et Cerveau et Nature, de Michel Le Van Qyen (Flammarion 2019 et 2022).
Un neuroscientifique victime d’un burn-out renaît par le silence et part à la recherche des preuves des bienfaits de la quiétude et de la contemplation de la nature sur notre cerveau. Juste passionnant !