La Première Guerre mondiale a amené sur le sol européen des jeunes soldats venant des cinq continents. La réalité coloniale a favorisé cette présence de volontaires et d’appelés. Dans cette vaste communauté mondiale trois peuples ont retenu notre attention : les tahitiens (maohi) ; les calédoniens (kanak) et les malgaches. La société des missions évangéliques de Paris (SMEP), prenant la suite de missions anglo-saxonnes, était bien présente dans ces îles du Pacifique et de l’Océan indien. Devenues des colonies, ces territoires sont concernés par le recrutement. Ils donneront à l’armée française des soldats mis à l’honneur pour leur bravoure.

63 jours de bateau

Pour ceux de Tahiti, Moorea et les Îles sous le vent, le voyage est très long. Il passe d’abord par Nouméa, le centre de mobilisation pour la zone Pacifique. Après six mois de formation rudimentaire, le voyage se poursuit en passant par Sydney. 63 jours de bateau sont nécessaires pour rejoindre Marseille. Qu’avaient-ils de particulier, ces soldats « venus d’au-delà des mers » ? Pour beaucoup d’entre eux, ils étaient les enfants de la mission protestante, ayant eu un parcours dans les écoles primaires et secondaires de la mission et une instruction religieuse auprès des missionnaires et des pasteurs locaux. Ainsi, au titre de ce lien, nous avons pu relire les archives de cette époque, en particulier l’ensemble des lettres de ceux qui étaient restés sur place et de ceux qui seront mobilisés. Nous avons pu suivre, mois après mois, la mobilisation dans les îles, l’arrivée en France, les différents lieux d’intervention. Mais fallait-il envoyer ces jeunes hommes au front ? Cette guerre disproportionnée n’entrait pas dans le schéma culturel de ces hommes.

Maintenir ferme leur conviction religieuse

À l’appel des missionnaires, le protestantisme français va se mobiliser pour accompagner fraternellement et le mieux possible spirituellement ces jeunes soldats. Au niveau des paroisses, des foyers du soldat, des parrainages l’opportunité est offerte à ces militaires de pouvoir conserver un lien avec l’église et maintenir ferme leur conviction religieuse. C’est en effet le sujet de crainte de Maurice Leenhardt. Le dépaysement ne va-t-il pas favoriser une rupture, un détachement de la référence évangélique ? Dans l’enfer de la guerre, où sont les ténèbres et où est la lumière quand deux nations chrétiennes s’affrontent aussi sauvagement ? La mission entre alors en débat. Les missionnaires explicitent leurs différences devant la réalité vécue. En octobre 1917, la SMEP recevra dans ses locaux une délégation de soldats engagés dans l’armée britannique. Ils viennent du Lesotho et veulent rencontrer l’Église de leurs pères fondateurs.

C’est un événement pour le protestantisme parisien. Pathé Gaumont en fera une actualité qui passera pendant une semaine dans ses cinémas. Le retour dans les îles se fera attendre jusqu’en juillet 1919, l’intendance militaire est moins pressée. Nous avons une très belle lettre nous racontant l’arrivée des Kanaks avec des drapeaux de la tempérance (Croix Bleue), qu’ils avaient commandé en secret pour les remettre à leur Église aux îles Loyauté. Au retour, la joie des retrouvailles et de la vie sauve seront célébrées dans les temples mais une autre épreuve attend les peuples de ces îles car la grippe espagnole a été transportée dans les bateaux.

Conférence débat 1914-1918, des soldats venus d’au-delà des mers. Entre patriotisme et universalité

Par Jean-François Faba et Claire-Lise Lombard

Samedi 19 mai à 16h30 à Cap-Espérance, 89 bis rue du 18 juin à Ermont.

À l’issue, dédicace du livre et verre de l’amitié.