Reclus par la contrainte, les détenus, ou par choix, les moines, ils vivent ou ont vécu à Clairvaux, ancienne abbaye devenue prison à la Révolution, fermée en mai 2023. En rencontrant les « longues-peines » de la centrale, le personnel de la pénitentiaire, mais aussi les moines de Cîteaux, Éric Lebel avec À l’ombre de l’abbaye de Clairvaux invite à une réflexion profonde et sensible sur la liberté.

L’Abbaye de Clairvaux, monument exceptionnel, ancienne abbaye cistercienne du 12e siècle (fondée en 1115 par Bernard de Fontaine), reconstruite au 18e puis transformée en prison au 19e par Napoléon… ce film en brosse un tableau à la fois historique et humain. Eric Lebel parvient à capturer la dualité de cet espace : d’un côté, la majesté de l’architecture médiévale et, de l’autre, les cicatrices laissées par des siècles d’enfermement.

Le spectateur est invité à découvrir les multiples facettes de Clairvaux à travers des images évocatrices de ses vestiges, mais aussi à travers des récits émouvants, notamment d’anciens détenus, de gardiens, de fonctionnaires de la pénitentiaire, intervenants extérieurs ou encore de frères bénédictins.

Ces témoignages confèrent une dimension humaine et intime à ce lieu de mémoire, soulignant la manière dont il a façonné des vies et des destins.

Une réflexion sur l’enfermement

Le documentaire nous entraîne ainsi, avec subtilité, vers une profonde réflexion sur l’enfermement, qui s’avère se vivre évidemment de diverses façons dans un lieu comme celui-là, avec en particulier la contrainte ou le choix qui y conduise. Le réalisateur explique ainsi son travail : « Ce qui m’importait est de comprendre, de montrer comment il est possible de vivre dans un milieu clos, où la Règle pour les moines et les règlements pour la pénitentiaire, dans une sévérité, sont de rigueur ».

Le film excelle dans son exploration visuelle, avec des plans contemplatifs qui magnifient l’isolement et la beauté austère de l’abbaye. Chaque pierre semble raconter une histoire, et Lebel sait capter cette atmosphère chargée d’histoire. La fermeture récente de la prison est également effleurée, l’ensemble des bâtiments ayant été repris, depuis un an, par le ministère de la Culture. Mais le mystère demeure autour de l’avenir de ce lieu…

À l’ombre de l’Abbaye de Clairvaux est un documentaire poignant et esthétiquement saisissant. Éric Lebel rend palpable la tension entre la grandeur spirituelle du passé et les souffrances du présent, tout en proposant une réflexion sur la manière dont nous préservons — ou délaissons — nos lieux de mémoire.