Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de onze ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte.

Déjà au générique du remarquable The Zone of Interest, la comédienne Sandra Hüller incarne une romancière allemande accusée du meurtre de son mari français Samuel (Samuel Theis), lui aussi écrivain. Leur fils Daniel (Milo Machado Graner) est porteur d’un handicap visuel depuis un accident qui a bouleversé la cellule familiale.

Anatomie d’une chute est un film qui pourrait être qualifié de bavard, car la parole est extrêmement présente. Mais il faut tout de suite tempérer cette affirmation car tout cela se fait sans excès ou surenchère inutile.

On peut ainsi relever que le moment du procès est d’une justesse implacable donnant à ces scènes une allure proche du reportage. Malgré cette logorrhée, les choses essentielles du récit se jouent pourtant dans le non-dit ou plus précisément dans l’invisible avec précisément la métaphore à repérer de cette déficience visuelle de l’enfant. Car ici point de preuves formelles…

Une question de fond traverse alors chaque instant. Elle n’est autre que celle que pose Pilate à Jésus, celle que Nietzsche a défini comme la « boutade la plus subtile de tous les temps » : Qu’est-ce que la vérité ?

Lorsqu’il s’agit de déterminer la culpabilité ou l’innocence d’une personne pour un crime, la décision d’un jury se fonde sur des convictions intimes, sur ce que chacun d’entre eux croit. Dans Anatomie d’une chute, le public se voit accorder aussi ce pouvoir.

Nous sommes, en quelques sortes, les membres aussi du jury pendant les deux ans et demi d’examen approfondi et réfléchi de ce qui est peut-être un meurtre ou un suicide, et du procès qui l’accompagne, mais qui se révèle être en fin de compte davantage l’anatomie d’une relation, l’anatomie d’un couple en crise.

Justine Triet nous emmène à travers des témoignages dramatiques, des dilemmes moraux qui secouent l’âme, et de subtils flashs de reconstitutions de ce qui s’est possiblement passé ce jour fatidique entre Sandra et Samuel afin que nous puissions imaginer toutes les possibilités. Mais malgré les faits, les témoignages et le contexte, aussi méticuleuse que soit la présentation, tout se résume à la croyance. En examinant attentivement tous les faits et toutes les subtilités du comportement humain, nous pourrons sans doute prendre une décision. Il nous faudra croire puis choisir, et s’en tenir à son choix.

Mais il y aura toujours une incertitude… Qui est la victime et qui est le monstre ?

Ces questions, et bien d’autres encore, se trouvent là dans ce film qui donne à réfléchir, et auxquelles l’interprétation exceptionnelle de Sandra Hüller confère une humanité et des couches de complexité supplémentaires. Rien de surprenant si l’actrice allemande se voyait récompenser samedi soir.