Comment ne pas voir ce triste contraste ? Alors que les médias célèbrent l’ampleur du programme d’expositions, de spectacles et d’événements pour la réouverture du Grand Palais tout autant que le colossal déménagement et l’itinérance des collections du Centre Pompidou pour au moins cinq ans, la presse régionale égrène chaque jour les catastrophes locales dans le paysage culturel.

Des festivals annulés, des saisons théâtrales, musicales ou chorégraphiques amputées (avec, de plus en plus souvent, des intentions de censure à peine dissimulées), des lieux de diffusion fermés, des programmes d’éducation artistique et culturelle amputés, des compagnies exsangues… Partout, les coups de rabot budgétaires des collectivités territoriales produisent le même résultat : les équipements, les structures, les territoires et les publics les plus fragiles sont encore plus défavorisés.

Dans nombre de régions, de départements et de villes, les mêmes élans de vertu budgétaire ravagent la part la plus irremplaçable des filières culturelles – celle qui ne peut et ne pourra jamais compter sur les seules mécaniques commerciales et le mécénat privé.

Dissonance frappante : les mêmes élus larmoyant sur l’emprise des réseaux sociaux et l’ensauvagement de la société sapent méticuleusement le singulier édifice français de la culture à l’échelon local, avec ses associations, ses initiatives, ses utopies, sa billetterie à bas prix. Pleins de leur bonne conscience comptable, des élus oublient les diagnostics émis à chaque incendie du tissu social : loin du prestige du Grand Palais, des milliers de petits festivals et de structures modestes préservent une part de rêve, de liberté et de poésie là où vivent les gens. Et protègent du monopole des écrans sur nos imaginaires.

Bertrand Dicale, journaliste, pour « L’œil de Réforme »

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