L’imprimerie, meilleure amie de la Réforme ? En voici une confirmation, avec l’exposition organisée en partenariat avec la Société d’Histoire du Protestantisme Français (SHPF), mais pas seulement. Les livres diffusent les idées nouvelles mais aussi leur condamnation, à un rythme encore plus soutenu ; c’est l’originalité de cette exposition, conçue dans la lignée des événements organisés autour du cinquième centenaire de la Réforme.

C’est dès 1518 que les premiers écrits de Luther arrivent à Paris sous la forme d’un livre spécialement imprimé à Bâle pour diffuser ses idées dans le plus grand nombre de pays possible. Des ouvrages variés (dont certains très rares sont montrés dans l’exposition), prennent le relais soit pour amplifier, soit pour contrer le mouvement naissant. On peut voir, datée de 1520, la bulle du pape qui condamne les idées nouvelles, mais il faudra un an de plus pour que la Sorbonne, la grande université spécialiste en droit canon, condamne à son tour, dans un texte appelé détermination théologique ; un exemplaire a été prêté par la bibliothèque de l’Arsenal. C’est ce texte qui fait désormais entrer les écrits des réformateurs dans la clandestinité. Pourtant en France, certains esprits avaient anticipé le besoin de réformes, et même de la nécessité de traduire la Bible en partant des textes originaux hébreux et grecs. Un exemplaire du Quincuplex psalterium de 1509 de Lefèvre d’Etaples (premier traducteur de la Bible en français), est exposé, ainsi qu’un très beau volume du catéchisme richement enluminé de la reine Marguerite de Navarre. Sœur de François Ier et intellectuelle brillante, celle-ci aurait pu se laisser séduire par les idées de la Réforme. Elle a d’ailleurs par la suite protégé nombre de réformateurs, dont Calvin, cependant sans jamais se convertir au protestantisme.

Attaques et contre-attaques

Dans un premier temps, les livres interdits continuent d’être imprimés, même à Paris, mais avec quelques ruses : le visiteur peut voir un ouvrage de Luther sortant d’une presse parisienne, affichant une fausse adresse à Wittenberg. Au fur et à mesure des sorties de ces ouvrages, la riposte se met en place. L’affaire des Placards en 1534 (une affiche dénonçant la messe qui a été placardée jusque sur la porte de la chambre du roi) déclenche une forte répression. Les éditeurs parisiens et lyonnais se font peu à peu dépasser par Bâle, Genève et Neuchâtel. C’est de Suisse qu’arrivent les premiers volumes de l’Institution de la religion chrétienne de Calvin, dont un exemplaire de 1545 est visible pour l’exposition. Enfin les livres de la riposte catholique contre-attaquent de deux manières différentes. Sont exposés aussi bien des ouvrages de théologie, qui luttent pied à pied en déroulant leurs argumentaires, que des livres de propagande, qui cherchent plus à faire peur en diabolisant l’hérésie.

Une exposition qui ravira les amateurs de livres et d’histoire, grâce aux explications qui accompagnent et guident le visiteur

Deux beaux exemples figurent dans l’exposition : un terrible Luther à sept têtes et un hérétique dont les vêtements dissimulent rats et serpents. La personne de Luther ellemême est discréditée avec l’étalage de ses vices supposés (luxure, pacte avec le diable etc.). Ils répondent aux ouvrages de même nature issus du monde protestant, pas tendre non plus avec le papisme et l’eucharistie, assimilée a minima à de l’anthropophagie. Une exposition qui ravira les amateurs de livres et d’histoire, grâce aux explications qui accompagnent et guident le visiteur.

Maudits livres luthériens, jusqu’au 15 février à la bibliothèque Mazarine, 23 quai de Conti VIe. Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 18h, entrée libre.