Enchaîner des postures acrobatiques sur un tapis est bien souvent la manière réductrice dont est défini le yoga. En Inde, ce terme existe depuis longtemps et recouvre des pratiques diverses. Le musée Guimet, à travers de précieuses œuvres qui datent du Xe au XIXe siècle, tente une approche instructive de ce qui est bien davantage qu’une gymnastique un peu exotique.

Lointaines origines

Si les origines du yoga se perdent dans la nuit des temps, les orientalistes s’accordent à souligner l’importance de deux notions qui s’imposent entre le VIIIe et le Ve siècle av. J.-C.. La première concerne la métempsychose, c’est-à-dire un cycle de renaissance dont le nom sanskrit est samsara, une réincarnation étroitement liée aux actions bonnes ou mauvaises menées pendant la vie. La deuxième notion concerne l’importance de ces actions, motivées le plus souvent par l’attachement et la dépendance aux biens matériels ou aux passions. Elles doivent être combattues et dominées autant qu’il est possible. Dès lors les adeptes de ce qui s’appelle le yoga (joug ou union en sanskrit) cherchent à progresser sur la voie de la délivrance grâce à une discipline mentale et corporelle.

Le yoga recouvre des formes multiples, probablement en raison de l’ancienneté de ces croyances. Certains sont strictement végétariens au nom de la non-violence, d’autres mangent de la viande ; certains prônent une ascèse extrême, d’autres mènent une vie sociale normale… La pratique du yoga s’est développée de manière considérable à partir du XVIIe siècle, date à partir de laquelle on observe dans les représentations iconographiques et les traités une grande diversification des postures.

Spiritualité et religions

C’est par le brahmanisme que l’esprit du yoga est le plus compréhensible, avec comme dieu emblématique Shiva. Celui-ci est souvent représenté en maître de yoga, coiffé d’un chignon de tresses et le corps couvert de cendres comme un sadhu (ascète). Il est détourné de ses pratiques ascétiques par la déesse Parvati avec qui il a un enfant. Shiva est ainsi l’exemple, pour les Hommes, d’un dieu partagé entre l’attrait pour l’ascèse et celui pour la vie sociale.

Au fil des siècles, le renoncement devient une sorte d’idéal commun à toutes les religions présentes en Inde, même l’islam via le soufisme. Le visiteur, une fois les explications reçues, ne sera donc pas étonné de trouver des représentations de yogis issus de miniatures mogholes (c’est-à-dire musulmanes), grâce notamment à un manuscrit exceptionnel du tout début du XVIIe siècle qui est le premier traité à représenter 21 postures de base. Dans d’autres peintures, on admire des disciples se former auprès de maîtres, une composante essentielle dans une discipline qui passe très largement par l’enseignement direct, certains yogis étant très célèbres.

Un des premiers textes à tenter un enseignement structuré et datant du XIIIe siècle souligne que chacun peut entrer en recherche, quelle que soit sa religion (ou son absence de religion) : « le sage doté de foi et constamment voué à la pratique du yoga atteindra la réalisation complète ». Une exposition qui devrait intéresser autant les néophytes que les pratiquants avertis.