Situé à l’ouest de l’Amérique du Sud, l’Équateur a connu plusieurs cultures qui se sont développées autour de la figure du chamane, personne dotée de pouvoirs surnaturels et indispensable garant de l’harmonie entre les hommes et l’univers. Les 265 chefs d’œuvres exposés permettent de faire le point sur l’état des connaissances que nous avons sur ces civilisations précolombiennes.
Trois mondes distincts
Pour l’essentiel, le visiteur admirera des poteries d’une grande diversité et d’une extrême richesse d’exécution par la finesse et le nombre de détails très soignés, portant parfois de restes de polychromie. Elles représentent de manière symbolique les trois mondes qui constituent l’espace cosmique. Pour la Terre-mère, des éléments naturels sont utilisés, comme l’aigle qui est associé à l’air, le serpent à l’eau ou le jaguar pour le feu. Au dessus d’elle, le monde céleste est composé des astres tandis qu’en dessous le monde intérieur est peuplé des morts et des esprits. Une statuette de personnage aux traits de félin, de serpent et d’aigle montre combien il est important de développer des qualités issues de ces divinités pour maintenir l’harmonie entre les différents mondes, d’où l’importance du chamane – l’homme éveillé – dont le rôle est à la fois politique et religieux.
Le rôle du chamane
On ne choisit pas d’être chamane (qui s’écrit avec un e, alors qu’il s’agit le plus souvent d’un homme ; pour les femmes on parle plutôt de prêtresses). Dès l’enfance, la personne est choisie grâce à un don, l’hérédité acquise de parents chamanes ou encore à la suite d’un rêve ou d’un événement particulier. Avant d’être admis, le futur chamane doit subir des rites d’initiation et s’entraîner à développer tous ses sens, pour mieux communiquer avec le monde des esprits. Il est aidé en cela par la prise de substances hallucinogènes, comme la coca, qui donne l’illusion que l’âme se détache du corps. Une fois reçu dans ses fonctions, il peut assumer de nombreux rôles auprès de son peuple. Par des rituels sacrificiels, il favorise les activités humaines, dont l’agriculture : l’eau, indispensable à la fertilité de la terre, est donnée par les dieux en échange de sacrifices d’animaux ou d’hommes, comme cela se pratiquait aussi dans d’autres cultures en Amérique du Sud, chez les Mayas par exemple. Des statues de prisonniers de guerres, en attente du sacrifice, sont exposées et permettent de se faire une idée de ces rites sanglants.
Rites de passage
Les hommes eux-mêmes sont concernés par de nombreuses cérémonies toujours présidées par le chamane, car chaque âge de la vie doit être marqué par des rites d’initiation. L’individu est alors séparé du groupe afin de pouvoir mourir sous son ancienne forme et renaître dans le groupe comme un nouveau membre. Dans une société où les dieux sont partie prenante d’un ensemble qui inclut l’être humain, le rôle du chamane est essentiel, ce qui explique pourquoi tant de statuettes le représentent dans tous les rôles qu’il occupe, tout au long de l’année. Après la conquête espagnole vers 1532, un nouveau système de valeur est venu supplanter l’ancien, mais de nombreux rites ont subsisté jusqu’à nos jours, maintenant une forme de continuité avec ces cultures millénaires.
Chamanes et divinités de l’Équateur précolombien
Jusqu’au 15 mai au musée du quai Branly, 37 quai Branly Paris VIIe
Ouvert tlj de 11h à 19h, jusqu’à 21h les jeudis, vendredis et samedis