En salles depuis le 16 octobre, ce long-métrage touchant qui suit le parcours introspectif de Malek, un quadragénaire célibataire récemment installé à Montmartre.
Malek, la quarantaine, célibataire, vient d’emménager à Montmartre et accueille bientôt chez lui son neveu Ryiad, fraîchement arrivé d’Algérie. Ensemble, ils découvrent Barbès, le quartier de la communauté algérienne, très vivant malgré la crise sanitaire en cours. Ses rencontres avec les figures locales vont permettre à Malek de retrouver une part de lui qu’il avait enfouie, de renouer avec ses origines et de commencer à faire le deuil de ses disparus.
Réalisme et poésie
Hassan Guerrar parvient à capter l’âme de Barbès en mêlant réalisme et poésie. Les rues animées, les marchés, les cafés, mais aussi les figures locales du quartier — comme Préfecture (Khaled Benaissa), le très drôle « fournisseur de papiers » (comme son pseudo l’indique), Hadria (Adila Bendimerad), la patronne du café au grand cœur et au caractère affirmé, la belle Eya (Eye Haïdara), d’une autre culture, toujours apaisante, ou Laure (Clotilde Courau), la cheffe bénévole de l’église Saint-Bernard — incarnent la richesse de cette communauté cosmopolite. Chaque rencontre est une opportunité pour Malek de renouer avec ses origines, de redécouvrir sa langue, ses coutumes et, au-delà, une part de lui-même qu’il avait longtemps délaissée. Hassan Guerrar s’inspire ici d’ailleurs de sa propre histoire : « Je fais partie de la génération des beurs nés en France et je suis beaucoup allé en Algérie. Je suis de ceux qui sont très fiers d’être français, mais de culture algérienne. Et je m’enorgueillis que mon film appartienne aux deux drapeaux. » dit-il. Le néo-cinéaste a choisi de s’immerger dans les entrailles de Barbès à une période pas comme les autres, celle de la crise sanitaire et ses restrictions. En agissant de la sorte, le scénario devient en lui-même quasi-métaphorique… renvoyant l’image d’un quartier qui continue à vivre alors que le reste du pays, et du monde, est à l’arrêt.
Barbès semble survivre hors du temps, hors des règles. Les rues demeurent vivantes et tout continue à tourner comme si (presque) de rien n’était avec les commerces mais aussi, naturellement, les petits trafics, les bagarres, la solidarité et la générosité…
Ce qui fait la force de Barbès, Little Algérie, c’est sa manière d’aborder des thèmes universels tels que le deuil, la transmission et l’identité à travers une histoire personnelle.
Une nouvelle génération en quête d’avenir, mais aussi d’identité
Hassan Guerrar met en scène un Malek complexe, habité par des fantômes du passé. Les moments où il se confie à Ryiad sur les membres de sa famille disparus sont empreints d’une profonde sincérité, et les spectateurs peuvent s’identifier à ce désir de retrouver un lien avec un passé parfois douloureux. Ryiad, ce jeune homme curieux, représente une nouvelle génération en quête d’avenir, mais aussi d’identité, entre deux mondes. Sa fraîcheur et son optimisme contrastent avec la mélancolie de Malek, et cette relation entre oncle et neveu donne lieu à des scènes d’une grande tendresse.
Si le film séduit donc par son atmosphère authentique et ses personnages attachants, il est malheureusement quelque peu desservi par une fin trop prévisible. Dès le milieu du film, certains éléments laissent déjà entrevoir la manière dont l’histoire pourrait se conclure, et Hassan Guerrar, pourtant habile à éviter les clichés dans le reste du récit, semble cette fois s’y conformer. Les derniers moments, qui devaient offrir une résolution cathartique à l’arc émotionnel de Malek, se déroulent sans surprise, avec un dénouement un peu trop convenu. On aurait aimé que le réalisateur prenne plus de risques dans cette dernière ligne droite, en proposant un virage inattendu ou une conclusion plus nuancée. La prévisibilité de la fin amoindrit quelque peu l’intensité émotionnelle de l’ensemble, et laisse un léger goût d’inachevé.
Malgré cette réserve sur la conclusion, Barbès, Little Algérie reste une œuvre extrêmement sensible et empreinte de vérité. Hassan Guerrar capte avec justesse la vie et l’énergie de ce quartier et les difficultés de ses habitants en temps de pandémie, tout en offrant une réflexion émouvante sur l’identité, la famille et la transmission. Les performances des acteurs, notamment celle, excellente, de Sofiane Zermani (Malek) ajoutent une grande profondeur à cette histoire intimiste.