Trois sœurs qui cherchent à se frayer leurs voies dans le corset social étroit de leur époque. Monika, Helga et Eva se heurtent aux limites conventionnelles dans le Berlin des années 1950-60 sur le chemin d’une vie autodéterminée.
Depuis quelques jours, dans l’excellente programmation d’Arte et son replay, est disponible la totalité d’une série allemande tout à fait remarquable à tous points de vue : qualité cinématographique évidente qui nous met en immersion dans la fin des années 50, des actrices (et acteurs… mais la série se caractérise particulièrement dans la place des femmes) excellentes avec des personnages bien écrits, un scénario qui avance tranquillement et tient en haleine sans besoin de compliquer les choses et de surprendre à tous prix, des thématiques de fond parfaitement bien travaillées.
La série dramatique se découpe en trois parties chacune attachée à une année particulière, 1956-1959 et 1963.
Ku’damm (titre original – diminutif du Kurfürstendamm, le boulevard commerçant le plus populaire de Berlin et le cœur du centre de la partie ouest de la ville) se déroule dans le Berlin de l’après-guerre. Elle suit la matriarche Caterina Schöllack (Claudia Michelsen), propriétaire d’une prestigieuse école de danse, Galant, située sur Ku’damn, et ses trois filles, Monika (Sonja Gerhardt), Helga (Maria Ehrich) et Eva (Emilia Schüle), qui luttent toutes pour trouver leur place en tant que femmes dans un monde en pleine mutation.
Alors que la mère croit fermement qu’il faut adhérer aux conventions sociales et hiérarchiques, c’est-à-dire se marier bien et plutôt « haut », les sœurs cherchent à décider de leur propre voie. Et puis avec elles, c’est aussi le récit de cet après-guerre au cœur d’une Allemagne loin d’être guérie de ses fractures internes, un pays terriblement figé dans le déni des crimes du IIIe Reich, le puritanisme et l’oppression des femmes.
Derrière tous ces enjeux, la force de Berlin 56/59/63 vient aussi de la bande son. Mais quelle est cette musique de sauvageonnes, me direz-vous, sur laquelle des « bad girls décadentes » s’élancent dans les plus vertigineux saltos, au mépris de la bienséance ? Cette musique « du diable » s’appelle le rock’n’roll et elle commence à répandre sa frénésie d’émancipation sur le Berlin- Ouest de l’après-guerre. C’est elle aussi, qui, tel un terreau favorable, forge le tapis sur lequel viennent se nouer et se dénouer des histoires de famille, d’amour, de vie, de ruptures ou de trahisons. Un rock’n’roll qui passera aussi par le blues ou la musique latino, pour rythmer mais aussi pour dire intensément une époque de changements et d’oppositions.
Chronique romanesque et documentée de l’Allemagne d’après-guerre, Berlin 56-59-63 est une très élégante saga féministe à ne pas manquer, tantôt inconfortable et dérangeante mais formidablement vibrante, édifiante et toujours passionnante.
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