Grâce à Bernard Pivot, la gourmandise n’était plus un péché. Tous les vendredis soir, de 1975 à 1990, à l’enseigne d’une émission littéraire, « Apostrophes », une lippe et des sourires affamés nous faisaient comprendre que la fête allait commencer. Le principe de ce programme était simple : unité de lieu, unité de temps, six auteurs autour d’une table basse pendant presqu’une heure et demie, l’unité de l’intrigue variant suivant l’humeur des invités, la malice de leur hôte.

Peut-être parce qu’il avait commencé son métier de journaliste en échotier du Figaro littéraire, Bernard Pivot considérait que la meilleure façon d’accéder à une œuvre consistait à écouter son auteur en parler. Le geste, le regard, une façon de parler, mieux qu’une analyse critique trahissaient les intentions de celle ou celui qui venait présenter son ouvrage. Encore fallait-il savoir les guider. Caboteur de génie, Bernard Pivot freinait les bavards, encourageait les timides, accompagnait les beaux parleurs. Il n’avait pas le ton mécanique, évitait d’apprendre par cœur un texte de présentation, hésitait parfois sur un mot à l’amorce de son émission, ce qui lui donnait un charme supplémentaire : ainsi les téléspectateurs avaient-ils le sentiment de retrouver un ami, spontané, sincère, plutôt qu’un maître d’école.

En 1991, notre homme avait élargi son espace et fondé « Bouillon de culture». Une façon pour lui de parler de […]