Les druides n’étaient pas de folkloriques fabricants de tisanes, arborant barbe et robe blanches pour faire plaisir aux esprits facétieux de la forêt. Véritables philosophes, ils pratiquaient l’art oratoire avec un talent si reconnu que les Grecs, en ce domaine insurpassables – n’en déplaise aux latinistes –  nourrissaient pour eux du respect, de la curiosité, voire une certaine forme d’admiration. Jean-Louis Brunaux publie ce mois-ci « La cité des druides, bâtisseurs de l’ancienne Gaule » (Gallimard, 248 p. 20,50 €). C’est un livre épatant.

Promouvoir la connaissance

Commençons par évoquer le rassemblement qui, chaque année, se tenait dans le centre géométrique de la Gaule, entre Chartres et Orléans. «Les druides, dès le IVe siècle avant notre ère, étaient des savants et dénommés tels, écrit l’historien : les mots gaulois composés de deux racines, *-dru et *vid ou *weid, signifient « celui qui voit très loin, celui qui possède la connaissance dans ce qu’elle possède de plus puissant ». Soucieux de promouvoir la connaissance – on n’ose pas dire la raison mais on y pense – ils se réunissaient pour partager leurs découvertes. « Les druides, comme les pythagoriciens [communauté grecque aussi bien religieuse que scientifique, NDLR], ont consacré une grande part de leur activité au bien-être de leurs contemporains dans le monde terrestre, estime Jean-Louis Brunaux. Leurs multiples travaux n’ont guère laissé de traces matérielles, l’écriture et l’image réaliste n’ayant jamais été utilisées. Mais on peut chercher leur rôle intellectuel dans d’autres domaines. » Et l’historien d’évoquer le travail de la terre, l’artisanat, l’instruction des jeunes surtout.       

Favoriser la vie collective

Par le prisme des druides, nous pénétrons la civilisation gauloise. Avec émotion nous voyons vivre des tribus inventives, capables de partir à la découverte des terres lointaines, d’accepter l’ouverture de comptoirs de commerce au bord de la Méditerranée – judicieuse initiative qui nous vaudra, deux mille ans plus tard, une coupe d’Europe de football… – aimables les unes avec les autres. Oui, vous avez bien lu : la variété de leurs cultures ne les entraîne pas à se frapper tous les jours à coups de massue ! « Souvent, ce sont des voisins qui s’unissent dans une relation égalitaire, écrit Jean-Louis Brunaux. Il peut s’agir d’alliance politique ou miliaire, souvent des deux ; ainsi les Bellovaques, l’une des cités belges les plus puissantes, sont depuis tout temps les alliés et les amis des Eduens ; plus de trois cents kilomètres les séparent. » Et devinez qui favorise de tels rapprochements ? Les Druides, une fois encore. Non par intérêt personnel, mais pour améliorer la vie collective.

A cette fin, les druides ont favorisent l’émergence d’une religion nouvelle. « Immense tâche, vite accomplie, note Jean-Louis Brunaux. Les nobles gaulois éduqués par les druides réclamaient une religion ouverte à tout le peuple et dans laquelle ils trouveraient la meilleure place. Ils allaient disposer de dieux en petit nombre, connus de tous, de façon à accomplir auprès d’eux les mêmes rites, des actions bénéfiques pour tous. » Avant l’arrivée de César et ses légions, Mars et Mercure s’invitent à la table des gaulois – mais avec respect pour les autochtones, eux.

Les druides vus par l’écrivain huguenot François Hotman

« Bon. Tout cela est bel et bien, pensez-vous, mais quel rapport avec la Réforme ? » Quel rapport ? Eh bien nous sortons la carte « François Hotman ». Parisien mort à Bâle en 1590 – à l’âge canonique de 65 ans – cet écrivain huguenot sut, l’un des premiers, déceler sous la cendre d’Alésia la flamme d’une civilisation formidable.

Son ouvrage majeur, « Franco-Gallia », connut un succès considérable au seizième siècle. Bien sûr, il y dénonçait le pouvoir autoritaire des romains, défendait l’esprit de liberté des tribus gauloises et, comme on l’imagine, toute comparaison avec le sort des protestants dans le royaume de France n’était pas une pure coïncidence. On peut juger cette manière d’écrire anachronique. On peut aussi comprendre qu’attaqués de toutes parts, les partisans de la Réforme aient cherché dans l’Histoire des événements, des situations, des personnages pouvant renforcer leur légitimité.

Voilà pourquoi François Hotman reçoit cet hommage de Jean-Louis Brunaux : « L’auteur a mené un remarquable travail sur les textes anciens et son analyse a bénéficié de ses propres compétences intellectuelles – le droit, la jurisprudence – dont il révolutionna les modes d’application. » Calvin, ce druide méconnu…