Béni soit Arte qui nous nous offre, une fois de plus, une perle rare qui vient du nord… d’Islande, pour être précis. Blackport, mini-série en 8 épisodes, relate la privatisation de la pêche en Islande dans les années 1980. Un pitch peu engageant, qui pourtant devient la pierre angulaire d’un scénario truculent d’une comédie noire, filmée et interprétée de mains de maîtres.

L’histoire, qui se déroule dans les fjords de l’ouest dans les années 1980, suit un couple, Harpa et Grimur, qui construisent un petit empire de pêche avec leurs amis d’enfance. Mais avec l’introduction d’un nouveau système de quotas dans le pays, où les zones de pêche sont privatisées, la lutte pour le pouvoir débouche sur une querelle de jalousie, de cupidité et de trahison. Inspiré de faits réels.

Sans en avoir l’air, Blackport revient sur des faits qui ont changé l’histoire de l’Islande pour toujours. De 1983 à 1991, un système de quotas de pêche a été mis en place en Islande. En gros, les zones de pêche sont passées d’une propriété collective du peuple islandais à une entité privée. Un phénomène déconcertant et paradoxal car cette « loi sur la pêche » stipulait clairement que le poisson autour de l’Islande appartient au peuple islandais, alors que concrètement ce n’était plus le cas. Ces quotas devaient en effet mettre fin à la pêche effrénée ouverte à tous, qui a risquait de menacer d’épuiser les stocks de poissons mais cette réglementation a évolué à l’opposé de l’esprit premier de la loi, et a ouvert la voie à une libéralisation sauvage du secteur. La mer et ses ressources se sont retrouvées concentrées entre les mains des entrepreneurs les plus puissants, devenus de véritables barons de la pêche. C’est ainsi que les personnages de Blackport deviennent alors l’incarnation de ce système mis en place. 

Une série sociale caustique qui mélange parfaitement comédie et drame, un mélange équilibré de noirceur et de légèreté.

Un vrai bonheur sur petit écran qui donne à réfléchir sur les fondements du capitalisme et du libéralisme. C’est aussi une immersion, quasiment grandeur nature, dans ce tout petit pays qui, lorsque l’histoire commence, ne comptait que 235 000 habitants. Reykjavik, la capitale, n’était qu’une ville de 100 000 habitants. C’est un pays où tout le monde se connaissait et où la famille et la politique était si étroitement liées que la corruption pouvait sembler la norme plutôt que quelque chose d’anormal souligne l’un des scénaristes. Ce paradigme spécifique offre en tout cas un terrain de jeu idéal pour coudre et découdre une saga familiale qui vous capte très vite et ne vous lâche plus jusqu’au dénouement du huitième épisode. Un savoureux melting-pot entre Ken Loach et les frères Cohen mais à la mode islandaise… un régal en somme !