Boy From Heaven de Tarik Saleh, en compétition à Cannes, un thriller d’espionnage passionnant, qui se déroule au cœur de l’université islamique Al-Azhar au Caire, avec les institutions religieuses et laïques de l’Égypte comme acteurs principaux.
Adam (Tawfeek Barhom) est le fils d’un pêcheur de la ville de Manzala, dans le nord du pays. Il est ravi d’apprendre par son imam local qu’il va recevoir une gébourse de l’État pour étudier la pensée islamique à la prestigieuse université Al-Azhar du Caire. Une fois arrivé à l’université, il est impressionné par la discipline, la rigueur et l’atmosphère de piété, mais il est également déconcerté lorsqu’un camarade de classe lui offre une cigarette et l’invite à sortir pour une soirée en ville. Lorsque le grand imam décède d’une crise cardiaque alors qu’il s’adresse à l’ensemble des étudiants, les cartes politiques et religieuse sont rabattues. Les autres imams se livrent immédiatement à des manœuvres politiques pour déterminer qui occupera un poste à l’influence politique considérable. Le désarroi et la détresse d’Adam s’aggravent lorsqu’il assiste au meurtre de son nouvel ami étudiant. Il est bientôt contacté par un agent de renseignement, le colonel Ibrahim (joué par Fares Fares) qui lui fait comprendre que son ami était un informateur « dirigé » par l’appareil de sécurité de l’État, qui rendait compte secrètement au gouvernement des opinions politiques subversives des imams.
Al-Azhar est l’une des plus vieilles universités du monde et l’une des institutions les plus importantes aujourd’hui pour comprendre l’islam et ses évolutions.
Mais en réalité, Al-Azhar c’est aussi une mosquée, un centre de pouvoir théologique et enfin un réseau d’éducation religieuse dans tout le pays, qui va, pour les garçons, du primaire à l’université. Elle représente ainsi l’une des « références » (et non une autorité) pour l’islam sunnite. À côté de l’université, il y a aussi la « macheikha », le siège du grand imam d’Al-Azhar, où il réside avec son assemblée de conseillers. Si le Cheik d’Al Azahr n’est pas un « pape », Al-Azhar est tout de même un lieu où l’on explique comment appliquer l’islam, où l’on fait le fiqh, c’est-à-dire le droit, la loi, qui convient aux croyants.
En 2017, Tarik Saleh réalisateur suédo-égyptien, sortait Le Caire confidentiel, un film sur la corruption officielle en Égypte qui a déclenché le soulèvement de la place Tahrir. Aujourd’hui, à une époque où le printemps arabe est devenu un souvenir doux-amer, il présente dans la compétition de Cannes un drame aux tournures de thriller d’espionnage où, jeux de pouvoir, manipulation, corruption, crimes, religion, intégrisme se font la part belle, mais tout cela au cœur de l’islam et des institutions gouvernementales.
Boy From Heaven est évidemment un film audacieux, juxtaposant le spectacle de la foi à une réalité cachée de corruption et d’hypocrisie, mais où personne n’en sort indemne. Si la religion est malmenée, elle n’est pas non plus réduite à néant, grâce notamment à la foi et la sincérité d’Adam. Pour Tarik Saleh, « Ce n’est pas un film à proprement parler sur l’Islam, mais sur l’idéologie et la guerre des idées. Un propos plus politique que religieux. » Et justement, la scène de fin dans la cellule où Adam et le Cheik aveugle dialoguent est un moment de pure intelligence et révèle aussi une certaine dimension de la foi qui l’emporte.
Une œuvre qui rend compte « des débats théologiques » qui traversent aujourd’hui la société égyptienne, comme l’a souligné le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémeau.
Un film qui mériterait sans doute de trouver une place dans le palmarès la semaine prochaine…