Imaginez donc qu’un film allemand de 2h42 en soirée au Festival de Cannes en séance presse puisse faire éclater de rire un nombre incalculé de fois la salle entière (sauf mon voisin de gauche), la faire même applaudir plusieurs fois en cours de séance et en même temps l’émouvoir fortement ? Et pourtant !
Ines travaille dans une grande société allemande basée à Bucarest. Sa vie parfaitement réglée ne souffre pas le moindre désordre jusqu’à l’arrivée de Winfried, son père, qui débarque à l’improviste. « Es-tu vraiment heureuse ? » lui demande-t-il au cours d’une discussion banale. Son incapacité à répondre est le début d’un bouleversement profond qui va s’opérer au travers de l’intervention de Toni Erdmann…
Il y a du Jango Edwards dans ce personnage de Toni, tant physiquement, que dans les facéties burlesques qu’il nous propose. Mais à cet humour décapant vient s’ajouter une quête du sens de la vie, où les relations humaines et familiales peuvent retrouver place, où le temps n’est plus forcément maître mais peut devenir serviteur, où l’humour voir le grotesque peut interpeller et faire changer même le cœur le plus endurcit. Ines semblait perdue mais un travail en profondeur va pouvoir s’entamer grâce à l’amour de son père et sa persévérance. Oui, the greatest love of all… le plus grand amour… comme se retrouve à chanter Ines contre toute attente, (presque) aussi bien que Whitney Houston, est sans doute celui de ce père pour son enfant.
Toni amuse et attendri. Il est sans prétention mais il a tout compris. Il peut se maquiller, allonger les dents, se couvrir d’une perruque voir même d’un masque de poils, son cœur bat toujours encore et encore. Il y a d’ailleurs une véritable parabole qui se joue là devant nos yeux sur les apparences, tout ce qui nous habille et qui parfois a vraiment besoin de tomber au risque d’une « naked party » où seul transparait la réalité du corps, de l’être humain, sans faux semblants. Une partie à poil ou seul Toni peut s’en couvrir lui qui, malgré sa fausse identité, est vrai jusqu’au bout de l’âme.
Et si l’Allemagne venait bouleverser le palmarès. La dernière fois, pour la palme, c’était Paris Texas, de Win Wenders, en 1984. Alors… sait-on jamais. Au moins un prix du scénario ou d’interprétation ou bien encore du Jury œcuménique, tiens pourquoi pas. En tout cas, Maren Ade est une habituée des récompenses dans le passé avec, entre autre, déjà à son actif, deux ours d’argent et un prix du Jury à Sundance. Nous le saurons très bientôt mais retenez bien ce titre et rendez-vous dans les salles à partir du 17 août.