« La peur peut affecter notre perception de la réalité « , dit une curieuse psychologue. Et si ce constat vaut pour la mère assiégée au centre de ce récit d’anticipation horticole, c’est tout à fait l’inverse pour décrire les intentions de la réalisatrice autrichienne.

Synopsis : Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne chevronnée qui travaille pour une société spécialisée dans le développement de nouvelles espèces de plantes. Elle a conçu une fleur très particulière, rouge vermillon, remarquable tant pour sa beauté que pour son intérêt thérapeutique. En effet, si on la conserve à la bonne température, si on la nourrit correctement et si on lui parle régulièrement, la plante rend son propriétaire heureux. Alice va enfreindre le règlement intérieur de sa société en offrant une de ces fleurs à son fils adolescent, Joe. Ensemble, ils vont la baptiser « Little Joe ». Mais, à mesure que la plante grandit, Alice est saisie de doutes quant à sa création : peut-être que cette plante n’est finalement pas aussi inoffensive que ne le suggère son petit nom.

S’il y a une leçon que le cinéma de science-fiction nous rappelle inlassablement, et utile à souligner en ces temps de crise écologique mondiale, c’est qu’il ne faut jamais trop jouer et se frotter à « Dame Nature »… Cette mise en garde pertinente est la semence de Little Joe.

Emily Beecham joue donc Alice, une phytogénéticienne et mère de Joe (Kit Connor). Avec son collègue Chris (Ben Whishaw), elle a récemment mis au point un type particulier de plante génétiquement modifiée pour produire un pollen qui modifie l’humeur. Parmi les différents programmes d’élevage mis en œuvre à Planthouse, un laboratoire d’entreprise ultramoderne situé quelque part au Royaume-Uni, c’est la création d’Alice qui enthousiasme le plus son personnel et ses actionnaires. Car, miraculeusement, elle rend heureux ceux qui la sentent. Comme c’est souvent le cas dans de tels récits, la création prend vie d’elle-même lorsqu’elle sent le danger l’environner. Alice a créé cette fleur stérile, alors Little Joe doit faire face pour garantir son existence future – parce que, comme le dit quelqu’un d’autre dans le film, « la capacité de reproduire donne un sens à chaque être vivant ». C’est par une sorte de contrôle de l’esprit, produisant un pollen qui augmente le bonheur de tous ceux qui le sentent, tout en les rendant farouchement fidèles à elle par-dessus tout, que Little Joe envisage son avenir. Alice résiste, mais d’autres dans son orbite tombent sous l’emprise de la fleur, son fils devenant l’un de ses plus grands adeptes.

Little Joe est une histoire de survie, non seulement en ce qui concerne l’organisme, qui semble trouver un moyen de se reproduire malgré avoir été conçu pour être infertile, mais c’est aussi la survie d’Alice qui est en jeu. Tout au long du film, elle assiste à des séances de thérapie où elle se sent coupable de ne pas avoir passé assez de temps avec son fils. Elle aime clairement Joe, mais élever un enfant pratiquement toute seul est un grand engagement, surtout pour quelqu’un d’aussi impliquée dans sa carrière professionnelle. Sachant comment notre culture place des attentes et des pressions énormes sur les parents, il y a quelque chose de particulièrement puissant dans la façon dont le film dissèque le lien incontestable entre une mère et son enfant. C’est aussi, dans la dynamique de cette thématique de la survie, une parabole fataliste sur la survie de l’humanité… Car ce virus qui se répand par le pollen, peut en évoquer bien d’autres de notre société contemporaine, faisant des humains des zombies ayant le sentiment de vivre et d’être heureux mais ayant en réalité perdus toute liberté et sens réel de l’existence. Car là aussi, comme chez Jarmusch, comme chez Loach… « ça va se terminer mal » !