Un chef-d’œuvre, oui — au sens strict : une œuvre tenue, juste, sans graisse. Fatih Akin explore l’« âme allemande » là où elle ne se raconte pas bien à voix haute : dans les replis domestiques, les silences qui couvrent la honte, et cette zone grise où l’on n’est pas forcément monstrueux… mais où l’on peut le devenir par inertie. L’originalité tient au point de vue : celui d’un enfant, incarné avec une présence rare par Jasper Billerbeck, et à une mise en scène à la sensibilité à vif, sans fioritures, traversée d’une tension émotionnelle continue.
Le récit procède par chocs minuscules : un regard qui se détourne, un adulte qui ‘explique’ trop vite, un mot qui sonne faux. Quand Nanning lâche en substance « tu mens », ce n’est pas l’insolence qui parle : c’est l’impossibilité, pour un esprit encore intact, d’admettre ce qui dépasse l’entendable. La force du film est là : il ne surligne pas, il laisse peser. Chaque silence devient une preuve, chaque hésitation une […]
