D’après les chiffres du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), la fréquentation cinématographique a difficilement atteint 7,38 millions d’entrées au mois de septembre 2022. Soit 20 % de moins qu’en septembre de l’année passée et 34 % de moins qu’en septembre 2019, avant la crise du Covid, avant le confinement, et surtout avant la montée en puissance des plateformes, rappelle un édito du journal Libération qui a consacré sa une du 5 octobre à la crise du cinéma en France. Comment expliquer ce phénomène ? Déjà, le prix, avancent certains. “Une place de cinéma, ce n’est pas donné. Quand on part en famille, qu’on prend deux glaces, trois bonbons, ça fait des soirées chères” déclarait l’acteur Kad Merad sur RMC, le 10 septembre. Il proposait ainsi de baisser le prix du billet : “Il va falloir repenser le prix de la place du cinéma. Ça passera forcément par un effort économique. Baisser les prix ? Peut-être ! Un prix fixe comme les livres ? Peut-être !”
Perception du prix
D’après les chiffres du CNC en 2021, une place de cinéma coûte 7,04 euros en moyenne même s’il y a de fortes disparités selon le type de cinéma (municipal, indépendant, intégré à un réseau…), la région, l’âge des spectateurs et la détention de cartes avec plusieurs entrées ou d’abonnements illimités, énumère Le Parisien. Le quotidien rapporte que le prix du ticket a augmenté de 6,2% en 2021 tandis que l’inflation a connu une hausse de 1,6%. Par ailleurs, depuis 2012, note Le Parisien, le ticket de cinéma a grimpé de 4,8% alors que l’inflation, elle, a augmenté de 10,1% sur cette période. D’après une étude, publiée en mai dernier par le CNC et intitulée “Pourquoi les Français vont-ils moins souvent au cinéma ?”, “la perception du prix du billet” était la deuxième raison, derrière la perte d’habitude. “Les spectateurs réguliers bénéficient de tarifs intéressants et les occasionnels d’opérations promotionnelles comme la Fête du cinéma, explique Charles Vintrou, coprésident du Groupe des exploitants et des cinémas indépendants, au Parisien. Mais l’énorme disparité des prix crée l’image d’un loisir cher. Il faut donc que l’on travaille sur la perception du prix du cinéma.”
Réinventer le modèle d’excellence française
Mais le tarif, ou sa perception, n’est pas la seule raison qui explique cette crise. Éléonore Weber, de la Société des réalisateurs français, interrogée par Le Parisien estime qu’il faut “aussi mieux parler des films, faire valoir la diversité des œuvres, lancer un grand plan d’éducation à l’image dans les écoles”. Une des pistes pour s’en sortir ? Réinventer le modèle d’excellence française, écrit Libération dans son édito. Et non pas essayer de “singer le modèle américain.” Dans les colonnes du quotidien de gauche, Caroline Champetier, qui a notamment travaillé avec Jean-Luc Godard et Jacques Doillon, résume : “L’industrie qui est en train de se réorganiser, en acceptant de ne produire que du flux, m’évoque ce qu’était l’industrie agroalimentaire il y a vingt ans. Des gros pôles de diffusion qui faisaient venir de la malbouffe, produisaient énormément pour pouvoir en vendre moins cher, et que les classes populaires puissent se nourrir à moindres frais. Puis on prend conscience que les classes populaires aussi doivent être bien nourries. Nourrir les gens avec n’importe quoi, c’est ça le libéralisme.”