La 77e édition des Emmy Awards, récompensant chaque année les plus grandes réussites du petit écran outre-Atlantique, tenue le 14 septembre à Los Angeles, restera comme une cérémonie marquée par les contrastes : la déferlante de nouvelles séries, la consécration de talents longtemps invisibilisés, et l’émotion suscitée par un vétéran de la télévision.
La diversité en avant
The Studio, comédie d’Apple TV+, irrévérencieuse, mordante et portée par un casting hors pair, a dominé la soirée avec treize trophées, devenant la série comique la plus récompensée en une seule saison. Elle raconte les coulisses de productions des Studios Hollywoodiens. Côté drame, c’est The Pitt, immersion réaliste dans le quotidien hospitalier, qui a remporté le prix de la meilleure série dramatique. Adolescence, mini-série de Netflix, rafle six prix dont ceux du meilleur acteur et du meilleur scénario.
Ces choix témoignent d’un goût du public et des jurés pour des récits qui ne se contentent pas de divertir mais plongent dans des réalités sociales fortes : la pression hospitalière, la fragilité des institutions, l’absurdité du monde du travail.
Les Emmy 2025 ont également célébré des premières fois : Tramell Tillman est devenu le premier homme noir à recevoir l’Emmy du meilleur acteur dans un second rôle dans une série dramatique dans Severance. Quant à Owen Cooper dans Adolescence, à seulement 15 ans, il est désormais le plus jeune lauréat de l’histoire dans sa catégorie. Ces victoires rappellent que la télévision peut être un espace où l’on élargit le champ des voix entendues.
Le moment Colbert
Mais au-delà des nouvelles figures, l’un des instants les plus marquants fut la victoire de The Late Show with Stephen Colbert. Pour la première fois en dix saisons, l’émission recevait ce trophée… quelques mois seulement après l’annonce de sa fin programmée au printemps 2026. Lorsque Colbert monte sur scène, le public se lève pour une longue ovation. Ému, l’animateur remercie son équipe, sa famille, mais aussi la chaîne qui l’arrête, CBS. Dans un mélange d’humour et de gravité, il évoque la fin d’une aventure mais aussi l’importance de rester fidèle à ses convictions. Le paradoxe est frappant : c’est au moment où son talk-show vit ses derniers mois qu’il reçoit enfin cette reconnaissance. Au-delà du prix, cet instant devient un témoignage exceptionnel de fidélité, de persévérance et de courage politique.
L’image comme moyen, non comme fin
Avec Severance, Adolescence ou The Studio, on voit combien l’esthétique, le style, la mise en scène ne sont pas juste des accessoires, mais des moyens puissants de raconter l’humain, parler de ses fractures, de ses désirs, de ses doutes. Le succès de The Studio indique que même dans la comédie, on peut mêler critique sociale, satire du milieu du spectacle, personnage imparfait et humour intelligent. Cela pose la question, aussi, de la responsabilité médiatique : ce que nous regardons a un effet sur ce que nous pensons.
Que disent finalement ces récompenses ?
Trois pistes se dégagent :
- La place des voix neuves : les victoires de Tillman et Cooper rappellent l’importance d’ouvrir les portes aux minorités et aux jeunes talents.
- L’écho des professions invisibles : en récompensant The Pitt, les Emmy saluent celles et ceux qui soignent, une manière de rappeler la centralité du soin dans nos sociétés.
- La fidélité reconnue : avec Colbert, on mesure que la vraie récompense n’est pas seulement le succès mais la cohérence sur la durée.
Ces Emmy Awards rappellent également la valeur de la fidélité, du soin et de la reconnaissance des plus fragiles. Et l’ensemble des récompenses invite à discerner la justice dans ce que nous valorisons : l’inclusion, la dignité, la parole fidèle.