L’histoire se déroule une semaine après l’élection présidentielle. Nino (Jean Chevalier), jeune attaché parlementaire ambitieux, a vingt-quatre heures pour convaincre son père, Lionel Perrin (François Cluzet) – ancien politique désabusé – d’accepter la fonction de Premier ministre. Poussé par des ennemis invisibles et des intrigues omniprésentes, Nino doit rationaliser une mission impossible, tout en sauvant son couple et sa propre crédibilité.

Chronique d’un pouvoir improbable, l’histoire se lit comme une course-poursuite absurde où la politique devient théâtre, et l’héritage familial, champ de bataille moral. Peiró, jouant de son expérience de journaliste, signe une satire lucide, où chaque réplique fuse et chaque plan respire l’urgence. Les dialogues incisifs, le montage nerveux et le jeu d’acteur percutant de Karin Viard à Alex Lutz, en passant par Sawsan Abès, composent une symphonie de personnages imparfaits mais tendrement humains. La satire, loin de l’attaque frontale, fonctionne comme un miroir de notre monde contemporain : l’image médiatique prime sur la substance, la vertu se momifie dans un vernis de convenance, et les dynamiques familiales deviennent des métaphores de systèmes entiers. Dans la période politique du moment, ce film ne manque évidemment pas de nous évoquer bien des situations qui nous sont offertes sur l’arène politico-médiatique.

Une œuvre couronnée

Salvé par son rythme et son esprit, Fils de rafle trois prix au Festival de cinéma et musique de film de La Baule : meilleur film, coup de cœur du jury (Sawsan Abès) et meilleure musique (Frédéric Alvarez, ex-aequo avec Alexandre Desplat). Cet accueil met en lumière la réussite plurielle du film, à la fois savoureux, habité, et techniquement accompli.

Une lecture éthique et spirituelle

Au-delà du rire et du cynisme, Fils de soulève une question centrale : que devient la responsabilité morale quand les jeux de pouvoir masquent la vocation personnelle ? Nino veut faire avancer les choses, mais au prix de se renier… Le conflit père-fils devient une parabole sur la vocation véritable, plus que sur la dynastie politique. Accepter son héritage, avec ses échecs et ses vertus déchues, devient l’occasion de dépasser les fractures identitaires. Résister à l’illusion du mérite pur pour tisser une foi incarnée : que signifie servir le bien commun quand on hérite de doutes, de cicatrices, mais aussi d’un nom ? 

Une comédie subtile et humaine

Le film ne se contente pas de faire rire : il interpelle. Sa drôlerie nerveuse est empreinte d’un malaise éclairé qui nous ramène à notre propre inquiétude face aux institutions. L’humour noir ne désengage pas, au contraire : il dénonce ce qui nous éloigne de l’éthique, et nous invite à entretenir une vigilance lucide.

Satire politique certainement donc, mais Fils de est aussi un portrait de l’âme citoyenne secouée : loyale, faillible, en quête de sens. Carlos Abascal Peiró signe non pas un pamphlet superficiel, mais une comédie profonde, où l’héritage devient possible rédemption. Une œuvre enthousiasmante, à voir en ce début septembre, et à méditer, dans le respect des liens et la fidélité à une vocation partagée.

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