Disponible sur Prime Video depuis le 27 février 2025, La Maison de David est d’ores et déjà un phénomène : deuxième série la plus regardée en France comme aux États‑Unis sur la plateforme, avec 22 millions de spectateurs en 17 jours et une reconduction immédiate pour une saison 2.
Si je ne suis pas un grand fan des adaptations des récits bibliques à l’écran, si pourtant ma première expérience dans un cinéma fut de voir « Les 10 commandements » de Cecil B. DeMille, si en même temps je préfère clairement aborder toujours un film comme une parabole possible sur la société et le monde qui m’entourent… il me parait utile de me pencher sur La Maison de David, une série inspirée d’un personnage de l’Ancien Testament, David, qui remporte un gros succès, dans l’élan des cinq saisons de The Chosen autour de la vie de Jésus.
Une fresque biblique aux ambitions modernes
Créée et co‑réalisée par Jon Erwin et Jon Gunn, tous deux connus comme réalisateurs de « faith based movies » (ce qui certainement m’a fait tarder à visionner la série), la série adapte la jeunesse du roi David à partir du livre de Samuel, depuis son onction prophétique jusqu’à son accession au trône d’Israël, en intercalant des épisodes clés comme l’affrontement contre Goliath, ses liens avec Jonathan, et la lente ascension face au roi Saül. Tout cela dans une facture visuelle inspirée et d’une ambition qui fait souffler un vent neuf sur le récit biblique à l’écran : jolis décors, costumes soignés, tournage en Grèce pour un univers empreint d’authenticité visuelle. Techniquement, la série assure : plans larges sur les paysages, dialogues sobres, musique atmosphérique ponctuée de chants psalmodiés. L’usage du silence est parfois puissant, parfois plus pesant et le rythme global choisit de prendre son temps, ce qui peut freiner l’émotion, malgré l’intensité plutôt bavarde du récit.
Michael Iskander, acteur et musicien américain d’origine égyptienne, incarne un David inattendu : pas un guerrier musclé, mais davantage le berger sensible, le David poète et musicien. Il croît sous nos yeux à mesure que sa confiance en Dieu grandit.
Ali Suliman, acteur arabe israëlien d’origine palestinienne, incarne un Saül troublant, partagé entre autorité divine et ambition personnelle, incarnant la tragédie de l’orgueil qui vacille. Stephen Lang, acteur américain avec une belle carrière derrière lui, dans le rôle de Samuel, incarne la figure prophétique (le « devin » dans la version française… bof !) : clairvoyante, grave, et pétrie d’autorité spirituelle. Le casting secondaire, tout comme le géant Martyn Ford dans le rôle de Goliath, compose un monde de densité humaine où la grande Histoire se touche. L’ensemble est convaincant même si certains personnages restent sous-exploitée, petite fragilité narrative.
Biblique et imaginatif : figures revisitées pour aujourd’hui
La série s’inscrit toutefois dans un cadre narratif qui sait reconnaître son origine sacrée. Chaque étape biblique est traitée avec un souci de fidélité aux Écritures : l’onction de David, les tensions entre David et Saül, Samuel en prophète nazirite au silence prudent mais également au déterminisme affiché, jusqu’à certains petits détails du récit biblique.
L’attention aux symboles reste constante. Sur le plan spirituel, les thèmes de l’obéissance, de l’humilité, d’une forme de vrai leadership sont explorés. Saül est présenté comme un roi déchu, victime de sa propre difficulté à se soumettre à l’autorité divine ; David est le portrait d’un homme façonné par la foi plus que par la puissance, un chef dont la voix intérieure l’emporte sur les applaudissements de la foule.
La série établit ainsi des résonances entre l’histoire biblique et des problématiques contemporaines. Alliances brisées, luttes de pouvoir, quête d’identité et d’appartenance, telles sont les lignes dramatiques qui unissent les conflits anciens et modernes. Avec Saül, se profile notamment une forme de miroir des dirigeants contemporains tentés par l’autoritarisme face à l’épreuve démocratique. David, quant à lui, incarne l’espoir d’un renouvellement né de l’écoute et d’un appel intérieur.
Rien de nouveau sous le soleil… a dit un autre roi. À noter également, et c’est aussi là l’une des force de cette série, que derrière la volonté narrative respectueuse du texte, apparait également un appel à l’interprétation libre, que l’on peut repérer aussi dans The Chosen et qui marque une évolution dans ce genre de propositions : chacun est invité à se positionner, Saül ou David, l’homme dominé par l’orgueil ou celui conduit par l’Éternel ?
Dans le récit lui-même s’inscrit une liberté d’écriture indispensable à un bon scénario de type biopic ou historique et qui soulève néanmoins toujours des critiques. Un scénariste doit pouvoir imaginer, s’échapper du carcan historique ou textuel, pour raconter son histoire, faire vivre ses personnages, et ainsi aussi ouvrir des portes dans la compréhension proposées.
Une réception critique
La série ne fait naturellement pas l’unanimité : plusieurs voix relèvent un manque de souffle dramatique et des dialogues parfois trop explicatifs, suggérant que la dimension spirituelle pourrait avoir gagné en densité si elle avait laissé davantage de place au silence ou à l’imagerie subtile. Mais paradoxalement, c’est cette même densité qui en fait un bon matériau pour une lecture spirituelle.
La Maison de David peut devenir certainement un support précieux pour l’enseignement, les groupes bibliques ou les discussions culturelles. Elle permet de revisiter la figure de David non pas comme un mythe lointain, mais comme un homme confronté à des décisions éthiques et spirituelles universelles.
La série peut nourrir des débats sur divers sujets comme le leadership, la fidélité à la parole, la tentation du pouvoir, ou la place de la louange et de l’art dans la vie de foi. Production ambitieuse, visuellement qualitative et spirituellement riche, cette série réussit à articuler l’ »hérésie dramatique » de personnages antiques avec le questionnement moral contemporain. La tension entre regard historique et portée prophétique trouve un bel équilibre, pour peu qu’on accepte son rythme posé. Malgré quelques longueurs, elle ouvre un espace de méditation intéressante à l’écran : celui de l’homme qui apprend à se confronter à Dieu et aux hommes, à travers l’épreuve, l’humilité et la fidélité.