Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim naît, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu’au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque… 

Adapté du livre éponyme de Pierric Bailly, le roman de Jim surprend par sa capacité à émouvoir et nous toucher au cœur tout en évitant la mièvrerie à tout bout de champ. Les frères Larrieu (Peindre ou faire l’amour, Le Voyage aux Pyrénées, Les Derniers Jours du monde, L’amour est un crime parfait, Tralala…), pour qui l’écriture revêt une importance toute particulière et avec cet intérêt constant pour l’inconscient à travers le réel et le rêve, la vie intérieure et extérieure accompagnée le plus souvent de personnages en perte de repères, construisant leur identité (comme c’est le cas ici) dépeignent avec soin les conséquences fâcheuses de la rencontre du monde avec ce qui pourrait être apparenté à de la bienveillance fondamentale et première. Le roman de Jim n’offre pas de solutions faciles, mais il laisse entrevoir l’espérance car l’amour désintéressé sera récompensé comme il se doit. Le personnage d’Aymeric n’est pas un saint, mais c’est une personne honnête qui, contrairement à la plupart de ceux qui l’entourent, fait passer les besoins des autres en premier, surtout lorsqu’il s’agit de Jim.

Peut-on partager la paternité ?

Le roman de Jim est une odyssée de la paternité. Obispo chantait : « Je suis à jamais ta terre, c’est ça être père », et c’est un film qui sent bon précisément la terre. L’histoire d’un père, ou plutôt de deux pour être très exact, et celle d’un fils, un seul… Jim. C’est un sujet somme toute classique que de questionner ce qui fait être père, mais ici s’ajoute une autre interrogation : peut-on partager la paternité ? Autour de cette trame, c’est aussi tout ce qui se joue autour, et surtout la personnalité des personnages qui apporte un charme particulier et fait de ce roman un objet si séduisant. D’ailleurs, la narration en voix off, en particulier dans les premières parties, indique subtilement qu’il s’agit d’un film qui a la saveur d’un livre et, comme beaucoup de livres, il s’amuse à gentiment divaguer avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir la rencontre d’Aymeric (Karim Leklou) avec Florence (ou Flo), une ancienne collègue de supermarché à l’esprit libre (interprétée par Laetitia Dosch). Enceinte de six mois, elle est heureuse qu’Aymeric, manifestement épris, traîne dans les parages et, pourquoi pas, « joue le rôle » de père pour celui qu’elle appelle Jim. 

Ces personnages, évoquons-les justement, du moins ceux qui leur donnent vie à l’écran. Quel magnifique casting ! Du plus petit, le jeune Jim joué par Eol Personne qui, tel un Petit Prince, brille littéralement à l’écran, au principal, Karim Leklou, cet Aymeric qui dégage une puissance incroyable dans la plus grande simplicité de jeu et une certaine maladresse touchante. Il y aussi Bertrand Belin qui est à l’écran comme sur un microsillon (le vinyle est de retour… alléluia !), fragile et charmeur… un peu bizarre comme le trouve Jim au départ, mais tellement juste. Et puis les femmes… et deux en particulier, celles qui jalonnent la vie d’Aymeric. D’abord Laetitia Dosch, alias Florence, une femme spontanée assez surprenante, au caractère bien trempé et souvent déroutante dans ces décisions. Dosch donne du relief à son personnage et est totalement convaincante. Enfin, comme une étincelle de vie, il y a Sara Giraudeau, Olivia, qui tant dans le récit qu’à l’écran allume un feu nouveau, incarne une espérance possible, un recommencement. Cette professeure de français passionnée de danse, ne demande à Aymeric que de l’affection et du soutien. Son indépendance est bienveillante, contrairement à celle de Flo, qui ne sait pas distinguer la liberté et une forme d’ouverture de l’égoïsme. Tous les personnages secondaires sont aussi parfait à mes yeux, avec en particulier le Jim adulte, Andranic Manet, ou Noée Abita, la sœur d’Aymeric.

Rien n’est figé pour bien longtemps

Et pendant tout ce temps, filmés en lumière naturelle, les paysages du Haut-Jura passent de l’hiver enneigé aux couleurs et aux sons de l’été, indifférents aux malheurs des hommes, mais nous rassurant aussi sur le fait que rien n’est figé pour bien longtemps. Et puis, les sentiments des personnages évoluent comme la météo en montagne : averses, éclaircies et nuages, chaud et froid s’enchaînent. Là encore, une manière de raconter les choses que les frères Larrieu manient avec une forme de lyrisme et un talent indéniable. La nature devenant matière cinématographique. La photo du film est très importante pour Arnaud et Jean-Marie ; il n’y a pas seulement l’histoire du film avec les personnages, il y a le lieu et l’espace où l’action qui se déroule et cela ne doit pas être secondaire.

Des liens fraternels des réalisateurs aux liens paternels qui peuvent se tisser de diverses façons, le roman de Jim revisite sans doute aussi cette thématique permettant de réfléchir à ce que « vivre ensemble » peut véritablement signifier.