Récompensé au Festival d’Angoulême, le nouveau film de Nathan Ambrosioni s’impose comme un drame familial d’une sincérité rare.
Nathan Ambrosioni ne cherche ni la surenchère dramatique, ni le spectaculaire : c’est une œuvre humble, d’une sincérité rare, qui parle de disparition, de responsabilités et de reconstruction intérieure. Les enfants vont bien s’impose comme un drame familial sobre et vibrant, capable de toucher au plus juste.
À travers ces vies cabossées, le réalisateur compose un récit tout en pudeur, où les silences pèsent autant que les gestes, et où la reconstruction passe par l’attention la plus fragile. Une œuvre lumineuse sur le courage des liens lorsqu’ils vacillent.
Un soir d’été, Suzanne, accompagnée de ses deux jeunes enfants, rend une visite impromptue à sa sœur Jeanne. Celle-ci est prise au dépourvu. Non seulement elles ne se sont pas vues depuis plusieurs mois mais surtout Suzanne semble comme absente à elle-même. Au réveil, Jeanne découvre, sidérée, le mot laissé par sa sœur. La sidération laisse place à la colère lorsqu’à la gendarmerie Jeanne comprend qu’aucune procédure de recherche ne pourra être engagée.
La force du film : sa délicatesse
Le film ne se lance pas dans une enquête rocambolesque, mais dans l’après-coup : comment vivre quand tout bascule, quand les repères craquent, quand l’absence devient nouvelle réalité ? Jeanne, interprétée par Camille Cottin, est cette sœur prise au dépourvu, poussée malgré elle dans un rôle qu’elle n’a pas choisi. Celui de mère malgré elle. Le réalisateur alors observe. Il filme la confusion, la culpabilité, la peur, mais aussi les premiers gestes de tendresse, les hésitations, les rires forcés, les silences lourds.
La force de ce film tient à cette délicatesse. Nathan Ambrosioni donne à voir un drame intime non pas en le dramatisant, mais en le laissant respirer, par des plans suspendus, des silences qui disent plus que des mots, des regards qui balisent la douleur et la lente tentative de recoudre les morceaux. Le film avance par petites touches, presque à pas feutrés, mais porté par une vérité palpable, une vérité de la vie, dans ses chocs, ses doutes, ses maladresses.

Camille Cottin, dans ce rôle, livre une performance bouleversante sans appui sur l’excès, mais dans la justesse du détail. C’est un tremblement de lèvres, un regard qui se détourne, une hésitation dans la voix. Elle incarne cette femme en rupture avec son confort, obligée de grandir brusquement. Son jeu discret et réaliste est l’une des colonnes de la sincérité du film. À ses côtés, les enfants apportent aussi une vérité simple, parfois douloureuse, souvent pudique d’un monde que l’on croyait immuable et qui se fissure.
Ce cinéma de l’après – après la séparation, après la fuite, après la disparition – trouve un écho profond dans une sensibilité contemporaine. Il interroge ce que l’on appelle “famille”, “responsabilité”, “devoir”, mais aussi “liberté”. Quel est le prix, pour un adulte, de disparaître ? Quel est le prix, pour ceux qu’on oublie, de rester ?
Le film n’impose pas de réponse, mais il pose les questions. Il rappelle que derrière chaque disparition, qu’elles soient volontaire ou non, il y a des vies à réparer, des êtres à réinventer.
Le public et la critique ont vu dans ce film un souffle nouveau, lors des avant-premières et Festivals. Lors de celui du film francophone d’Angoulême 2025, Les enfants vont bien a été récompensé du Valois de diamant, la plus haute distinction du festival (succédant ainsi à Vingt Dieux de Louise Courvoisier l’an passé), ainsi qu’avec la Mention spéciale du jury saluant les prestations de Manoâ Varvat et Nina Birman, les deux jeunes acteurs du film. Un signal fort, qui confirme que le cinéma sensible et humain a encore et toujours sa place face au bruit et aux effets. Et c’est bien là, peut-être, la réussite majeure de Nathan Ambrosioni… Réussir, à 26 ans, à filmer l’ordre brisé d’un foyer, à capter ce qu’il y a d’insaisissable dans l’absence, tout en offrant au spectateur un espace d’émotion, de réflexion, de lente reconstruction. On sort de cette salle avec un sentiment mêlé d’ébranlement et d’espoir ? Car l’absence ne se négocie pas, mais le chemin continue. Fragile, incertain, mais vivant.
