Dans MobLand, série noire et élégante signée Ronan Bennett et réalisée par Guy Ritchie pour Paramount+ (à voir sur la plateforme MyCanal), la pègre londonienne n’a plus rien de flamboyant. Ici, le pouvoir se transmet comme une malédiction, et la famille n’est pas un sanctuaire mais une prison. Avec un trio d’acteurs impressionnants, Pierce Brosnan, Helen Mirren et Tom Hardy, la série dissèque, dans une mise en scène tendue et dépouillée, les mécanismes d’un empire criminel en déclin. Une tragédie contemporaine sur l’héritage, la loyauté et la fatigue du pouvoir.

Dans l’univers feutré mais brutal de MobLand, les liens du sang ne sont pas un refuge : ce sont des chaînes. La famille Harrigan règne sur un empire criminel londonien, et ce règne est tout sauf glorieux. On y hérite plus souvent d’un fardeau que d’un trône. Le pouvoir s’y transmet comme une dette : une loyauté empoisonnée, une fidélité qui ronge. Guy Ritchie, que l’on connaît pour ses polars déjantés et nerveux, choisit ici une forme de retenue. Pas de montages frénétiques ni de punchlines à chaque réplique (même si certaines sont fameuses). La mise en scène est tendue, élégante, presque théâtrale. Chaque plan respire la menace contenue. L’action n’éclate que par nécessité, et ce sont souvent les regards, les silences, les gestes avortés qui racontent le plus. La violence, bien présente, n’est pourtant jamais spectaculaire : elle est pesante, systémique, toujours en attente.

Une famille de monstres… ou de survivants

Au centre du récit, trois figures : le patriarche, joué avec une froide autorité par Pierce Brosnan, la matriarche, Helen Mirren, d’une sobriété et d’un cynisme glaçants, et enfin Tom Hardy, dans un rôle tout en tension contenue, celui de l’homme de main fidèle, bourreau et témoin, fils adoptif et exécutant loyal. C’est par lui que passe le trouble moral de la série. Car MobLand ne propose pas une glorification de la mafia, ni même un récit de trahison flamboyante. C’est une tragédie, au sens presque antique, où les personnages sont pris dans un système plus vaste qu’eux, une structure qui broie les corps et les âmes. Personne n’est tout à fait coupable, personne n’est vraiment innocent. Chacun joue son rôle, et cherche, parfois, une échappatoire.

Un monde qui se fissure

Ce qui fascine dans MobLand, ce n’est pas tant l’histoire mafieuse, classique dans ses grandes lignes, que l’effritement du système qu’elle documente. La série n’est pas une montée en puissance : c’est un lent effondrement. Le vieux monde mafieux, fondé sur la terreur, le silence et l’honneur dévoyé, vacille. L’héritage est toxique, le pouvoir sans avenir. On est loin du romantisme noir d’un Godfather (Le Parrain). Ici, la famille est un piège dont on cherche à s’évader, sans savoir comment. Les séquences les plus fortes ne sont pas les règlements de compte, mais les instants suspendus : une hésitation, un aveu à moitié prononcé, un regard qui trahit l’épuisement d’une vie à tenir un rôle.

La tragédie du pouvoir sans foi

En creux, MobLand interroge une question universelle : peut-on se libérer d’un héritage que l’on n’a pas choisi ? Peut-on rester fidèle à une famille sans trahir sa conscience ? Et que reste-t-il d’un empire quand ceux qui le portent cessent d’y croire ? La série ne propose pas de salut facile. Il n’y a ni confession, ni pardon, ni réconciliation spectaculaire. Mais il y a ce trouble persistant, ce vertige intérieur qui habite certains personnages, comme un possible sursaut. Cela suffit à faire de MobLand bien plus qu’un polar stylisé. C’est un drame sur l’usure des masques, sur les loyautés qui tuent, et sur cette tentation fragile qu’on appelle liberté.